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Éducation à la sexualité à l'école: ce que contient à ce stade le futur programme et pourquoi il divise

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Le texte final du programme de l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle n'a pas encore été dévoilé. Il doit être présenté à la mi-décembre. S'il fait largement consensus dans la communauté éducative, l'exécutif fait face à des pressions et une offensive de l'extrême droite et des conservateurs et divise même le gouvernement.

L'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est obligatoire depuis 2001 dans les établissements scolaires. Mais, dans les faits, elle est peu appliquée. Selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), "moins de 15% des élèves bénéficient des trois séances".

Le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) vise à réguler cela. Pas encore présenté dans sa version définitive, le programme suscite déjà la fronde des milieux conservateurs et des critiques au sein du gouvernement.

Ce mercredi 27 novembre, le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel, Alexandre Portier a jugé ce programme "en l'état pas acceptable". Le lendemain, la ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet a réagi, défendant un "programme équilibré, très progressif, qui tient compte de la maturité et l'âge de chacun".

"La théorie du genre n'existe pas"

L'un des griefs du ministre délégué, Alexandre Portier, concernait la "théorie du genre", expression utilisée par une frange conservatrice de la société qui s'inquiète d'enseignements qui pourraient faire une distinction entre sexe et genre.

Il a dit vouloir notamment s'"engager personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles, parce qu'elle ne doit pas y avoir sa place".

"La théorie du genre n'existe pas, elle n'existe pas non plus dans le programme", a rétorqué Anne Genetet ce jeudi.

"Un ministre ne devrait pas diffuser de fausses informations en agitant des peurs et des fantasmes pour espérer se faire connaître des Français. Il n'est nullement question de 'théorie du genre' dans l’éducation à la vie affective. Il est question de respect et d’égalité", a, de son côté, réagi Aurore Bergé, députée Ensemble pour la République.

Alors que la notion "d'identité de genre" apparaissait 17 fois dans le texte non-définitif de 40 pages que BFMTV a pu consulter, l'entourage d'Anne Genetet a indiqué que ce terme a été supprimé là où cela n'apparaissait pas nécessaire pour la ministre. Lundi, pourtant, l'équipe de la ministre affirmait au Monde que "l'identité de genre fait partie des motifs de discriminations inscrits dans le Code pénal", rappelle le journal.

Des débats de longue date

Annoncé par l'ex-ministre de l'Éducation Pap Ndiaye et prévu initialement pour la rentrée 2024, ce projet de texte, dont la version actuelle n'est pas définitive, fait l'objet de concertations depuis le mois de mars. Il doit être présenté à la mi-décembre au Conseil supérieur de l'éducation (CSE), instance consultative.

L'objectif est de rendre effectives les trois séances annuelles obligatoires prévues dans la scolarité et "d'apporter d'abord un programme là où il n'y en avait pas, que nos professeurs soient soutenus et puissent répondre aux questions qui sont posées par les enfants, que les parents sachent exactement ce que contient le programme", a expliqué Anne Genetet.

Depuis longtemps, les cours d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle font polémique. Plusieurs collectifs conservateurs dont le Syndicat de la Famille, nouveau nom de La Manif pour tous, ont dénoncé un projet "scandaleux", "sous influence woke et imprégnée d'idéologie". Ces groupes ont notamment diffusé des tracts devant des établissements scolaires, qui ont inquiété les syndicats enseignants.

Ces derniers sont, eux, unanimes pour affirmer que ce programme est réellement nécessaire. "On va demander que l'institution soutienne et protège les enseignants qui pourraient être attaqués une fois ce nouveau programme mis en place", a expliqué à l'AFP Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa.

De leur côté, plusieurs organisations, comme le Planning Familial et la Ciivise, ont dénoncé la fronde conservatrice, insistant sur son rôle "essentiel" dans la lutte contre les violences sexuelles. Elles rappellent que 160.000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles.

Des thèmes liés à l'âge des élèves

Consulté par BFMTV, le texte non-définitif s'articule autour de trois axes: "se connaître soi-même, vivre et grandir avec son corps", "rencontrer les autres et construire avec eux des relations, s’y épanouir" et "trouver sa place dans la société".

Malgré ce qu'affirment ces détracteurs, il n'y a aucunement mention d'apprentissage de pratique sexuelle ou de promotion d'une quelconque sexualité. Des thématiques qui sont déclinées par cycle, afin de s’adapter à l’âge des élèves et à leur maturité.

En maternelle: corps, émotions, intimité

À l'école maternelle et élémentaire, le programme est centré sur la vie affective et relationnelle. En maternelle, il prévoit la prise en considération du corps, des sentiments, émotions, du respect de l'intimité et de l'égalité entre filles et garçons.

Avant quatre ans, il s'agit de connaître son corps (nommer ses différentes parties), d'avoir conscience de l'intimité, d'apprendre à accepter et refuser (à travers des situations comme "est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi?"), ou d'être sensibilisé à l'égalité entre filles et garçons (comprendre par exemple qu'une activité ou un métier peuvent être choisis par tous).

À partir de quatre ans, le programme inclut le fait d'identifier des adultes de confiance et d'apprendre à faire appel à eux, de distinguer ce que l'on peut garder pour soi (comme un secret) d'une situation de danger, ou encore de découvrir les différentes structures familiales (familles hétéro-parentales, monoparentales, homoparentales, parents séparés...), selon ce projet de texte.

En élémentaire: changements du corps, violences, stéréotypes et numérique

En élémentaire, les élèves se voient notamment présenter des connaissances scientifiques plus précises sur leur corps (avec un vocabulaire adapté à leur âge) et leurs émotions. Il s'agit de comprendre ce qu’est l'intimité, de la protéger, d'avoir une bonne estime de soi et de connaître ses droits.

À partir du CM1, ils apprennent aussi à connaître les principaux changements du corps à la puberté, à repérer les situations de harcèlement ou à comprendre les stéréotypes pour lutter contre les discriminations (par exemple lire des textes pour identifier les inégalités femmes/hommes dans l'histoire).

En CM2, les enfants apprennent aussi à repérer et se protéger des violences sexistes et sexuelles, ou à connaître leurs droits pour un usage sécurisé du numérique (dangers d'internet et des réseaux sociaux, interdiction des réseaux aux moins de 13 ans...).

"N'oublions pas que lorsqu'un jeune n'a pas la réponse à ces questions, il va la chercher par lui-même, on sait aujourd'hui qu'un garçon sur deux à l'âge de 11 ans a déjà consulté des sites pornographiques", a déclaré ce jeudi la ministre Anne Genetet, ajoutant: "C'est ça que nous voulons combattre".

Au collège: adolescence et appréhension de la sexualité

À partir du collège, le programme aborde aussi la sexualité. Il s'agit d'aider les élèves à "s'approprier" les changements dont ils font l'expérience et "appréhender progressivement" la notion de sexualité "dans l'ensemble de ses implications", selon le projet de texte. La coanimation des séances est privilégiée, soit entre professeurs, soit entre enseignants et autres intervenants (médicaux notamment).

Il s'agit d'appréhender les changements du corps et le respect des autres ou de "trouver sa place au sein d'un groupe sans renier ses propres sentiments, respecter les autres et en être respecté" en 6e, l'orientation sexuelle et le fait de développer librement sa personnalité notamment en 5e.

En 4e, la sexualité est abordée comme une "réalité complexe" (mêlant amour, reproduction, plaisir, faisant l'objet d'une série de représentations...) et en termes de santé (prévention des risques, vaccination contre les papillomavirus, troubles du cycle menstruel, dépistage de l'endométriose...). Les "incidences des réseaux sociaux sur les relations" sont aussi évoquées.

En 3e, les élèves doivent être amenés à "interroger les liens entre bonheur, émotion et sexualité", "savoir caractériser les situations problématiques" (risques, mécanismes d'emprise...), les violences sexuelles ou les discriminations. Il est rappelé dans le texte que les victimes de violence "n'en sont jamais responsables".

Au lycée: connaissances plus complètes et questionnement

Au lycée, où la coanimation des séances est aussi privilégiée, "la dimension réflexive et critique est approfondie" et le programme invite "au développement de connaissances plus précises ou plus complètes".

La classe de seconde doit "explorer les tensions entre l'intime et le social" (dont la protection à l'ère des réseaux sociaux), celle de première "les conduites, tentations, plaisirs et risques" (à travers par exemple l'étude d'œuvres). Les différences biologiques sont reprises, y compris en évoquant le clitoris et son rôle dans le plaisir.

L'enjeu en classe de première est de "développer sa capacité à gérer ses impulsions, ses émotions et à faire des choix responsables". La terminale "rassemble les acquis permettant à l'élève d'appréhender la sexualité en jeune adulte responsable", selon le projet de programme. Il s'agit, entre autres, de "connaître les sources fiables" pour accéder "à un soutien en matière de santé sexuelle".

Salomé Robles et Véronique Fèvre avec AFP