Désabusés, fauchés, fatigués: quand certains gilets jaunes raccrochent

Des gilets jaunes à Paris, le 9 mars 2019. - KENZO TRIBOUILLARD / AFP
"J'ai remis mon gilet jaune dans la boîte à gants", dit Yves Garrec. Quatre mois plus tard, de nombreux manifestants qui s'étaient engagés pour défendre leur pouvoir d'achat ont fini par raccrocher leur gilet parce qu'ils "ne se retrouvent plus dans le mouvement".
"C'est parti dans tous les sens", dit le chauffeur VTC originaire de Toulouse. Lui qui était là au premier jour des manifestations mi-novembre, a rangé son gilet en janvier. "Maintenant dans les manifs on parle quinoa, boulgour... Rien à voir avec ce qu'on disait pour réclamer plus de pouvoir d'achat !" lance-t-il.
400 euros par mois pour venir aux manifestations
Pour Christophe, qui a participé à presque toutes les manifestations parisiennes en venant de Toulouse, "ça commence à devenir difficile financièrement". Au RSA, il a consacré environ 400 euros par mois pour manifester dans la capitale chaque samedi.
"C'est l'usure qui nous a eus, la fatigue, les tensions... C'est compliqué de passer deux mois et demi dans la rue", reconnaît Elodie Labat de Bordeaux, qui a "rendu son gilet jaune" fin janvier. "C'est dommage car c'était un beau mouvement", dit cette mère de 4 enfants qui se montre pessimiste sur la suite. "Nos revendications vont finir à la poubelle", dit-elle en expliquant ne pas faire confiance "aux politiciens".
Refroidis par les violences policières
D'autres ont été refroidis par les violences qui ont émaillé les manifestations. Depuis le début du mouvement, onze personnes sont décédées, 2.200 manifestants et 1.500 membres des forces de l'ordre ont été blessés. "Moi je ne suis pas là pour casser du flic", dit Georges Frances, un ancien "gilet jaune" de Perpignan.
A la veille d'un 18e samedi de mobilisation, difficile de savoir combien de "gilets jaunes" ont raccroché. Selon les chiffres officiels du gouvernement, 28.6000 personnes étaient dans la rue samedi dernier en France, 3.000 à Paris, soit la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement de contestation. Ils étaient plus de 280.000 le 17 novembre.
Baisse des taxes sur le prix du carburant, baisse des impôts, hausse des salaires, le mouvement s'était constitué mi-novembre autour de revendications concrètes en faveur d'un meilleur pouvoir d'achat. Aujourd'hui, de nombreux "gilets jaunes" repentis regrettent que la mise en place du RIC (Référendum d'initiative populaire) ait pris le pas sur les autres revendications.
"Ce n'est pas le RIC qui va remplir le frigo!", lance Hubert Charlier de Reims, qui a lui aussi abandonné le mouvement.