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Communautarisme: ce qu'il faut savoir sur les Elco, cet enseignement dont Macron annonce la suppression

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Ce dispositif proposait jusque-là des cours de langue et de culture dont les programmes étaient établis par les pays d'origine, comme la Turquie. Soupçonnés de favoriser le communautarisme, les Elco, sur la sellette depuis plusieurs années, vont être totalement supprimés dès la rentrée prochaine.

C'est l'une des annonces à retenir du discours sur la lutte contre le "séparatisme" d'Emmanuel Macron mardi soir à Mulhouse (Haut-Rhin): la suppression du dispositif d'enseignements de langue et de culture d'origine (Elco), dispensés par des professeurs désignés par les gouvernements d'autres pays. Soupçonné de favoriser le communautarisme, le programme est sur la sellette depuis plusieurs années.

Neuf pays concernés

Les Elco visent à "promouvoir (...) la langue maternelle et la culture du pays d'origine en faveur des enfants" précise, sur son site, l'Education nationale. Ils concernaient à l'origine en 1977 neuf pays: l'Algérie, la Croatie, l'Italie, le Maroc, la Serbie, la Turquie, l'Espagne, le Portugal et la Tunisie, mais ces trois derniers pays en sont depuis sortis (pour rejoindre les enseignements internationaux de langues étrangères (EILE). Au total, les Elco concernent donc 88.000 élèves par an.

Concrètement, il s'agit de dispenser à partir du CE1 et "à titre optionnel" des cours pendant 1h30 à 3h par semaine aux élèves dont les familles ont fait la demande aux établissements scolaires. Toutefois, l'Éducation nationale n'a pas de droit de regard sur les programmes enseignés durant ce temps de classe puisque les professeurs, tout comme le contenu, sont choisis par les pays concernés.

Des professeurs exerçant sans aucun contrôle?

Près d'un millier d'enseignants dispensent ainsi aux premier et second degré des cours sur lesquels l'Éducation nationale n'exerce aucun "contrôle", déplore Emmanuel Macron:

"Je ne suis pas à l'aise à l'idée d'avoir dans l'école de la République des femmes et des hommes qui peuvent enseigner sans que l'Éducation nationale ne puisse exercer le moindre contrôle. Et nous n'avons pas non plus le contrôle sur les programmes qu'ils enseignent."

Une affirmation toutefois nuancée par le secrétaire national laïcité, école et société du SE-Unsa, Rémy-Charles Sirvent:

"La note de service ministérielle de juillet 2016 précise que les enseignants Elco reçoivent un agrément de l'Éducation nationale, sont membres de l'équipe pédagogique et que le directeur d'école doit s'assurer que les enseignements Elco entrent dans le cadre du socle commun", explique-t-il au micro de Franceinfo.

Le risque de voir des "catéchismes islamiques"

Cette critique à l'égard des Elco est loin d'être nouvelle. Dès 2013, une étude du Haut Conseil à l'intégration (depuis dissous) évoquait "le risque que certains Elco deviennent des catéchismes islamiques". Un rapport sénatorial de 2015 cite notamment un manuel turc, Le Turc et la Culture turque, dont l'un des chapitres est consacré à la "foi, l'islam et (la) morale". L'auteur insistait sur l'importance de "croire en Allah" et sur la nécessaire acquisition par les élèves d'une bonne connaissance de "la vie du prophète Mahomet".

L'annonce d'Emmanuel Macron n'est d'ailleurs pas à proprement parler une nouveauté. Comme l'a rappelé sèchement sur Twitter Najat Vallaud-Belkacem, cette démarche est en cours depuis 2016, lorsqu'elle occupait le ministère de la rue de Grenelle:

"Ecouter sa radio et tomber de sa chaise. Entendre le chef de l’Etat annoncer une fois de plus le 'lancement inédit d’une démarche' visant cette fois-ci à remplacer les Enseignements en langue et culture d’origine (ELCO) par des Enseignements internationaux de langues étrangères.(...) Cette démarche était déjà lancée par nous depuis la rentrée 2016!"

La réticence de la Turquie

Emmanuel Macron a tenu à saluer les efforts déjà entrepris avec certains pays, comme le Maroc, au contraire de la Turquie:

"Nous avons réussi (à trouver un accord, ndlr) avec tous ces pays, sauf la Turquie à ce stade. Je ne désespère pas", a précisé le chef de l'État. Il a tenu à "saluer le travail exemplaire" avec le roi du Maroc ou le président algérien sur "une capacité à bâtir des solutions en matière éducative et religieuse", a-t-il ajouté.

Dès la rentrée prochaine, le président a donc annoncé que "les enseignements en langues et culture d'origine étrangère seront partout supprimés sur le sol de la République". Les enseignements internationaux de langues étrangères (EILE) se dérouleront sous le strict contrôle de l'Éducation nationale. Les professeurs devront obligatoirement maîtriser la langue française:

"Des enseignants dont nous serons sûrs qu'ils maîtrisent le français, qu'ils feront l'objet d'un contrôle par le ministère de l'Éducation nationale, et pour lesquels les programmes enseignés feront aussi l'objet d'un contrôle", a assuré le chef de l'État à Mulhouse.
Esther Paolini avec AFP