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Société

Après le Bac, ils ont choisi l'étranger

Des bacheliers lors de l'épreuve de philosophie, en 2017.

Des bacheliers lors de l'épreuve de philosophie, en 2017. - FREDERICK FLORIN / AFP

Alors que les épreuves du bac débuteront lundi, de plus en plus de bacheliers décident de poursuivre leurs études supérieures en dehors de la France.

A quoi penseront les candidats au bac général, lundi matin, quand ils attaqueront les épreuves de l’édition 2018 par la philosophie? Au sujet qu’ils auront sous les yeux, évidemment. Mais sans doute aussi un peu à leur rentrée prochaine. Certains sont déjà fixés sur leur destination grâce à Parcoursup, quand d’autres sont encore dans l'attente. Mais il y a également une troisième voie: celui de quitter la France pour attaquer un cursus universitaire à l’étranger. Ces bacheliers attirés par l'exil seraient d’ailleurs de plus en plus nombreux. Selon Le Figaro, le nombre de visas accordés par les Etats-Unis à des étudiants français est passé de 7421 à 8814 de 2009 à 2017. Dans les universités britanniques, les candidatures sont passées de 2650 à 4830. La palme revient au Québec, qui est passé de moins de 10.000 étudiants français en 2009 à 18.000 en 2016.

Les Français ne désertent pas en masse les universités de leur pays. Mais ils sont donc de plus en plus nombreux à tenter l’expérience. Pour les accompagner, Marie Blaise a fondé il y a un an et demi Do It Abroad, une société qui aide les étudiants à trouver un point de chute loin de la France. "C’est parti d’un truc tout simple: en France, 80% des étudiants veulent partir à l’étranger mais ils ne sont que 2% à le faire", assure-t-elle. Les choses semblent tout de même en passe de changer. Dans une étude réalisée par la banque HSBC en décembre 2017, 22% des parents se disaient prêts à envisager envoyer leur progéniture étudier à l’étranger. Ils étaient 16% un an plus tôt.

"Pour un étudiant qui vient me voir avec 10 de moyenne ce sera plus enrichissant de partir à l’étranger"

Le départ n’est plus réservé aux étudiants avec les meilleurs dossiers. "Il y en a pour tous les niveaux, assure Marc McHugo, fondateur de Study Experience, qui a accompagné 400 étudiants à l’étranger l’an dernier. Il y a des universités qui s’adressent aux plus brillants, comme Cambridge, qui va demander un dossier en béton. Mais tant qu’on a son bac on peut partir à l’étranger. Un étudiant qui vient me voir avec 10 de moyenne, à mon sens, pour lui, ce sera plus enrichissant de partir à l’étranger, même dans une fac moyenne. De voir autre chose, de revenir bilingue. Plutôt que d‘intégrer une école un peu bof, ou la fac… C’est plus valorisant sur le CV".

Car ceux qui partent ne visent pas qu’un diplôme.

"Ils veulent vivre quelque chose de nouveau. Aujourd’hui tout le monde a le même CV, mais à un moment il faut se démarquer un peu avec une expérience personnelle. Les parents ont plus de mal que les enfants, ça reste hyper-dur de laisser partir un enfant de 17-18 ans, mais ça change. Les jeunes, eux, n’ont pas peur. La majorité à envie de partir, alors même que certains n’avaient jamais voyagé, jamais pris l’avion", raconte Marie Blaise.

Grâce à Parcoursup, les étudiants peuvent d’ailleurs demander à faire une année de césure, donc pas seulement pour partir étudier. Une option qui permet de "reporter sa rentrée à l’année qui suit, sans que cela ne pénalise ses chances d’admission dans tel ou tel établissement", reprend Marc McHugo.

"L’année dernière avec APB, on a fait rentrer des étudiants dans des écoles à l’étranger parce qu’ils n’avaient rien"

Mais le nouveau système d’orientation post-bac, qui a remplacé APB cette année, pourrait aussi accélérer le mouvement, et pour de moins bonnes raisons: "J’ai l’impression que Parcoursup, ça a un petit peu provoqué des ennuis pour certains. On aura peut-être pas mal d’étudiants qui vont nous contacter après le bac parce qu’ils n’ont pas eu ce qu’ils voulaient. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise raison pour partir, mais c’est moins prémédité", remarque Marc McHugo.

"L’année dernière avec APB, on a fait rentrer des étudiants dans des écoles à l’étranger parce qu’ils n’avaient rien en France. Cette année c’est encore le grand stress pour tout le monde. Certains savent qu’ils ne vont pas être pris dans les filières qu’ils veulent", confirme Marie Blaise.

Mais partir à l’étranger peut d’ailleurs se révéler un choix hautement stratégique, et pas seulement pour améliorer la qualité de sa carte de visite ou tout simplement par défaut. "C’est un peu un trou dans le système: à partir du moment où on a fait sa licence à l’étranger, on est considéré d’un point de vue administratif comme un étudiant étranger. Quand on revient en France, on peut intégrer les grandes écoles au niveau Master, en ayant contourné le système des concours", raconte Marc McHugo. C’est d’ailleurs exactement ce qu’a fait Marie Blaise, après un bachelor de finance en Australie: "Alors que je n’avais pas fait de prépa et que je n’avais pas un très bon dossier. J’ai pu faire des trucs que je n’aurais jamais pu faire si j’étais restée. C’est ce qu’on dit aux étudiants qui font un bac techno: partez à l’étranger, faites un bachelor international, en rentrant vous pourrez prétendre à toutes les écoles de commerce".

"C’est possible d’aller à l’étranger et d’avoir des frais de scolarité gratuits"

Prévoir est tout de même indispensable. Car partir à l’étranger a forcément un coût. Mais si Marc McHugo reconnaît "qu’une sélection est faite sur le porte-monnaie", il tient tout de même à relativiser. "C’est possible d’aller à l’étranger et d’avoir des frais de scolarité gratuits: au Danemark, aux Pays-Bas... Mais globalement, c’est comparable au privé. Après il reste le coût de la vie à financer, il faut se loger, se nourrir…".

"Environ 50% de nos étudiants partent dans des universités gratuites, reprend Marie Blaise. Mais on envoie des gens dans des universités où le coup du logement est comparable à Rennes ou Nantes, donc rien à voir avec Paris".

Enfin, le format en lui-même de certains cursus à l’étranger a de quoi séduire les étudiants français. "En France, dès l’âge de 15 ou 16 ans il faut choisir sa voie et s’y tenir, les étudiants ne se sentent pas forcément à l’aise dans ce système, assure Marc McHugo. Aux Etats-Unis, on peut faire des études un peu la carte: un peu d’ingénieur, d’art plastique, de musique et de biologie. Tout cela n’a rien à voir mais c’est possible. Pour quelqu’un qui se cherche un peu, ce système-là est plus flexible et à mon sens plus attrayant". Au bout du compte, si l’option de l’étranger ne concerne encore que "des gens qui sortent du lot", "dans trois ans, ce sera démocratisé", conclut Marie Blaise.

Antoine Maes