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"On s'est régalés": comme Thomas Pesquet, des milliers d'enfants ont élevé des blobs en classe

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Ces dernières semaines, les élèves de 4500 établissements scolaires ont pu élever et étudier le blob, un organisme inclassable qui fascine les scientifiques, en même temps que l'astronaute Thomas Pesquet qui se trouve à bord de la Station spatiale internationale.

Depuis le début du mois d'octobre, d'étranges créatures jaunes et visqueuses ont débarqué dans quelque 4500 écoles, collèges et lycées français. Environ 300.000 élèves, de la maternelle à la Terminale, ont participé au projet d'étude "Élève ton blob", mené conjointement avec l'astronaute Thomas Pesquet depuis la Station spatiale internationale (ISS) - l'expérience lui tenait particulièrement "à cœur", explique Rémi Canton, chef de projet de la mission Alpha, à BFMTV.com.

Pendant plusieurs semaines, les élèves ont donc pu découvrir, étudier et élever des blobs, ces organismes formés d'une seule cellule qui fascinent tant les scientifiques. Dans le même temps, à l'intérieur de l'ISS, qu'il doit quitter ce lundi, Thomas Pesquet veillait sur quatre blobs embarqués dans des boîtes hermétiques.

Le but de l'expérience? "Comparer le comportement de cet être - ni animal, ni végétal - dans les salles de classe et son comportement en apesanteur à bord de l'ISS", explique à BFMTV.com Audrey Dussutour, biologiste au CNRS et chercheuse au Centre de recherches sur la cognition animale de l'Université Toulouse III Paul Sabatier.

Les élèves de CM1 de l'école de Clermont-Ferrand (Photo d'illustration).
Les élèves de CM1 de l'école de Clermont-Ferrand (Photo d'illustration). © BFMTV

"Un être vivant étonnant"

Cette chercheuse toulousaine, qui a révélé le blob au grand public et chapeaute le projet, ne manque pas de passion et d'enthousiasme. Selon elle, cet organisme inclassable est "un outil pédagogique parfait pour initier les enfants aux sciences". Le blob, qui est apparu sur Terre bien avant les dinosaures soit il y a 700 millions d'années, a quelque chose de fun", défend-elle. "Il ouvre plein de possibilités".

"Bien qu'il ne soit composé que d'une seule grosse cellule visible à l'œil nu, il est possible de mener des expériences sur lui à l'infini. C'est une ressource inépuisable car il contient plusieurs noyaux qui peuvent se multiplier à volonté", explique la scientifique.

Selon elle, la capacité du blob à se mettre en dormance le rend quasiment immortel. "On peut le couper en deux, et il est capable de se régénérer à l'infini", "il est capable de prendre n'importe quel forme, de se déplacer et de manger", et ce bien qu'il soit dépourvu de pattes, de bouche, d'estomac. Par ailleurs, malgré son absence de cerveau, le blob peut même transmettre des informations.

"C'est un être vivant très simple et pourtant étonnant. Il peut résoudre des problèmes qui nous paraissent très complexes", "comme comment trouver le chemin le plus court pour se rendre d'un point A à un point B", poursuit Audrey Dussutour. "Il est aussi capable d'équilibrer son régime alimentaire, d'apprendre, de fusionner ou d'échanger des informations avec ses congénères."

"Les élèves ont pu mettre les mains dans le cambouis"

Lorsqu'il a entendu parler de cette expérience en lien avec l'espace, Yann Latour dit avoir "tout de suite perçu quel intérêt un tel projet pourrait avoir" pour ses élèves de 9 ans. "Je savais que ça permettrait d'initier les enfants aux sciences et à la biodiversité, mais ça a été d'une richesse que je n'imaginais pas!", assure à BFMTV.com cet enseignant à l'école élémentaire Jean Macé de Clermont-Ferrand. "Je ne pensais pas que ça prendrait une telle place dans la vie de notre classe", poursuit-il. "On s'est régalés."

Un élève de CM1 d'une école de Clermont-Ferrand en train de mettre de l'eau près du blob à l'aide d'une pipette.
Un élève de CM1 d'une école de Clermont-Ferrand en train de mettre de l'eau près du blob à l'aide d'une pipette. © Ecole Jean Macé de Clermont-Ferrand

Yann Latour salue "le côté ludique et pratique" du projet. "Les élèves ont vraiment pu mettre les mains dans le cambouis. Ils étaient acteurs du processus de recherche et étaient réellement dans une démarche scientifique et expérimentale".

"Chacun de mes élèves avait son blob", raconte l'enseignant. "Le premier jour, ils ont pu le réveiller eux-mêmes grâce à une petite quantité d'eau et des flocons d'avoine. Puis ça a été à eux de mener des expériences sur le blob, et de réfléchir de A à Z."
Le blob en train de se déployer pour atteindre des morceaux de nourriture mis par les élèves.
Le blob en train de se déployer pour atteindre des morceaux de nourriture mis par les élèves. © Ecole Jean Macé à Clermont-Ferrand

Parcours d'obstacles et confrontation aux insectes

"Les enfants n'ont pas manqué d'imagination sur les expériences à mener sur les pauvres blobs", s'amuse Audrey Dussutour qui chapeautait l'expérience nationale à distance, et menait régulièrement des visioconférences avec les classes impliquées.

"Ils lui ont tout fait faire", plaisante-t-elle: "Traverser un labyrinthe de Lego, monter sur des objets, éviter une flaque d'eau, l'enfermer avec un scarabée, une araignée ou une limace..."

Qu'ils soient en primaire, au collège ou au lycée, les élèves ont tous élevé leurs blobs au sein de leurs classes, dans des boîtes Tupperware ou des boîtes personnalisées par leurs soins. "La seule différence" pour Thomas Pesquet, c'est que lui ne pouvait pas ouvrir ses boîtes, comme il l'a expliqué pour France Info à des élèves de CM1-CM2 de Metz qui ont mené la même expérience que lui.

"Mon blob, il est enfermé et ne peut pas sortir", a-t-il détaillé. "Je ne peux pas ouvrir la boîte pour le contrôler. On ne veut pas qu'il se répande partout dans la station." Mais l'astronaute a trouvé qu'il "s'est très bien adapté à l'espace": "C'était presque un membre d'équipage à part entière!"

Sur la terre ferme, les enfants se sont eux aussi "attachés" à leurs blobs, assure Audrey Dussutour. "Les professeurs m'ont rapporté que certains leur donnaient même des surnoms."

"Ils ont appris à s'en occuper, alors oui ils allaient le voir au moins une fois par jour", confirme à BFMTV.com Céline Cyr, professeure d'une classe de CM1 à l'école Alain Savary à Colomiers (Haute-Garonne). "Certains voulaient en adopter un chez eux. Si je les laissais faire, ils ne feraient que ça de la journée!", rit-elle.

"On a pu faire un vrai travail sur le vivant, avec une approche scientifique. Nous on a fait ce travail conjointement avec une classe de CM2, et les enfants l'ont vu évoluer, se déplacer, changer, choisir des trajectoires intelligemment". "En plus, ils ont travaillé en groupe et ça a été l'occasion d'introduire le travail sur la classification des vivants", lance encore l'enseignante, emballée.

"L'école avec un grand E"

Un peu partout dans les établissements scolaires, l'excitation autour des blobs était la même. "Le groupe s'est investi au-delà de nos espérances!", s'exclame Céline Mazières, professeure de physique-chimie au collège Jean Moulin de Saint-Gaultier (Indre), contactée par BFMTV.com. Cette dernière avait mis en place des ateliers scientifiques avec des élèves volontaires de 3e.

"Ils venaient aux récréations, pendant leurs temps de pause pour voir comment réagissaient les blobs. Je n'aurais pas parié sur ça, ça m'a rendu très fière. C'est l'école avec un grand E. On était tous dans la même aventure, professeurs comme élèves, et on travaillait ensemble. Ça avait quelque chose de très gratifiant!", considère Céline Mazières.

"Élève ton blob a, en quelque sorte, ouvert le champ des possibles dans notre petit collège rural", se réjouit cette professeure, "et permis par la même occasion de balayer pas mal de clichés sur le monde scientifique qu'ils connaissent mal". "Là, ils se sont aperçu que la recherche pouvait non seulement être intéressante, mais aussi drôle et faite par une jeune femme", en l'occurrence Audrey Dussutour.

"Sans trop vouloir m'avancer, je pense pouvoir dire que ça a permis de développer une appétence pour les sciences chez certains élèves, voire un intérêt pour les carrières scientifiques, ce qui est loin d'être évident ici, surtout chez les filles", ajoute Céline Mazières. Mission réussie pour Thomas Pesquet.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV