Opérations déprogrammées: les inquiétudes des patients et des médecins

Alors que le nombre de malades du coronavirus continue d'augmenter, les hôpitaux s'organisent pour les accueillir. Faute de lits, ils sont dans l'obligation de déprogrammer certaines opérations, considérées comme moins urgentes, ce qui peut entraîner des situations compliquées pour les malades.
Les déprogrammations concernent "toutes les activités chirurgicales et médicales dès lors qu'elles sont consommatrices de ressources humaines qui pourraient être affectées dans les services de soins critiques et de médecine Covid", expliquait Aurélien Rousseau, directeur général de l'Agence régionale de Santé (ARS) Île-de-France, dans un message aux hôpitaux la semaine dernière et consulté par BFMTV.
Sa greffe de rein annulée
"On nous a dit que la greffe ne serait pas pour janvier, parce que les blocs opératoires et les salles de réveil étaient transformés en lit de réanimation", explique à BFMTV Cindy, qui devait recevoir une greffe de rein, donné par son père, en janvier. Mais "comme la greffe d'un donneur vivant ça prend deux blocs et des lits, ce sera repoussé".
Cindy dit comprendre la situation, même si elle se trouve "dans un état de fatigue qui est important".
"Les déprogrammations, ce sont des choix douloureux et dramatiques pour les médecins. Prendre le risque de voir l'état de leurs patients se dégrader, c'est le pire pour les soignants", expliquait fin octobre à l'AFP Jean Pinson, directeur des hôpitaux de Saint-Denis et Gonesse. "Un diabétique, si son rendez-vous est décalé pendant 3 mois, peut faire des décompensations graves. Un cancer du colon, ça peut se différer un peu mais pas beaucoup, sinon le cancer risque de se généraliser".
"Ce sont des vies qui seront perdues"
"Faire une opération pour faire un diagnostic, une biopsie, on va considérer que ce n'est pas une opération majeure", explique Axel Kahn, président de la ligue contre le cancer, à BFMTV. "Il n'empêche que si le diagnostic n'est pas fait, le traitement ne peut pas commencer, les chances d'efficacité du traitement, parce qu'il est pris suffisament tôt, sont perdues, et ce sont des vies qui seront perdues".
Lors de la première vague épidémique, 33.000 cancers ont été diagnostiqués, c'est deux fois moins qu'en temps normal.
Jean Pinson souligne que la déprogrammation se fait au cas par cas, "quasiment patient par patient. On n'a pas eu cette possibilité lors de la première vague: l'hôpital a été submergé en quelques jours, on a dû faire des déprogrammations massives et abruptes". Il prévient toutefois que les déprogrammations seront plus nombreuses si la situation sanitaire continue de se dégrader: "On n'a pas les lits, les effectifs, pour accueillir tous les patients ensemble".
"Les patients n’ennuient pas les hôpitaux en venant"
En parallèle, le directeur général de l'AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), a appelé les patients à ne pas se déprogrammer d'eux-mêmes. "Un patient non prévenu d’une annulation est un patient non annulé", rapporte-t-il au Figaro.
"Les patients n’ennuient pas les hôpitaux en venant" a assuré Martin Hirsch. "Ce qui nous ennuie, c’est de retrouver deux mois plus tard des tumeurs plus grosses, des métastases. Notre but n’est pas de déprogrammer le plus possible mais de soigner les patients, tous les patients. Le bilan de cette crise se fera aussi sur les malades non-Covid".
