Obésité: les préjugés sur la maladie sont tenaces

Des mannequins et blogueuses mode lors de la Pulp Fashion Week de Paris en 2015 (photo d'illustration) - Loïc Venance-AFP
Alors que le mot "grossophobie" a fait l'année dernière son entrée dans le dictionnaire, les préjugés autour de l'obésité et de ceux qui en souffrent ont la vie dure. En témoigne un sondage réalisé par Odoxa pour la Ligue contre l'obésité diffusé ce mercredi, journée mondiale contre l'obésité, qui montre que les Français ont une vision erronée de cette maladie.
2,8 millions de morts par an
Premier enseignement de cette étude: les Français ne semblent pas réaliser l'ampleur du phénomène alors que le nombre de malades a triplé en un peu plus d'une quarantaine d'années. Ils sous-estiment largement cette maladie: sept Français sur dix pensent qu'elle touche 9% de la population. C'est en réalité près du double. Chez les enfants, ce sont 16% des garçons et 18% des filles qui en souffrent, précise l'Inserm.
Dans le monde, l'obésité - reconnue comme une maladie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1997 - entraîne chaque année la mort d'au moins 2,8 millions personnes. Parmi ses complications: le diabète de type 2 dans près de la moitié des cas, les maladies cardiaques ou respiratoires mais aussi les cancers.
Une maladie multifactorielle
Autre enseignement de l'étude: malgré une libération de la parole chez ceux et celles qui en souffrent, les préjugés persistent dans l'opinion publique. Quelque 62% des Français considèrent toujours que l'obésité "est avant tout due à une mauvaise alimentation et à un manque d'activité physique", pointe le sondage. Or, les facteurs impliqués dans la prise de poids sont bien plus complexes: psychologiques, sociaux, environnementaux, génétiques ou encore métaboliques.
"En plus du fait qu'on ne naît pas tous avec le même métabolisme, explique à BFMTV.com Agnès Maurin, directrice générale de la Ligue contre l'obésité, il y a des mécanismes physiologiques défaillants qui entraînent des dérèglements hormonaux, je pense notamment aux hormones de faim et de satiété qui envoient de mauvais signaux au cerveau."
Et selon cette militante, à ces mécanismes s'ajoutent un contexte et un environnement obésogènes. "Je ne parle pas de boire du Coca ou de manger à McDonald's mais de la pollution, des perturbateurs endocriniens, du stress, du manque de sommeil, de certaines maladies ou encore de la prise de certains médicaments qui ont leur part de responsabilité. L'obésité une maladie multifactorielle."
Perdre du poids, une question de volonté?
Si les personnes interrogées considèrent très largement que l'obésité représente un problème de santé publique et qu'il est important de s'en préoccuper, plus de six Français sur dix estiment cependant que "perdre du poids est avant tout une question de volonté". Presque autant jugent également "qu'il ne faut pas hésiter à mettre les personnes en situation d'obésité face à leurs responsabilités". Et pour près de la moitié des sondés, les personnes souffrant d'obésité ne prennent pas assez soin d'elles.
"On représente ce que les gens ne veulent pas être, analyse pour BFMTV.com Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses (CNAO). La violence, elle commence dès le plus jeune âge. Combien d'enfants doivent être déscolarisés parce que harcelés à l'école en raison de leur poids. Moi-même, j'ai entendu des choses immondes, notamment de la part de médecins. La violence est quotidienne alors on se terre chez nous et on n'ose plus sortir."
Si huit Français sur dix considèrent qu'une personne atteinte d'obésité doit avoir les mêmes droits que les autres citoyens, quelque 16% des sondés déclarent cependant qu'elle "ne donne pas une très bonne image de l'entreprise" où elle travaille, selon le sondage.
Obèse donc coupable
Des préjugés qui se retrouvent dans de nombreuses discriminations du quotidien: décrocher un travail - le taux d'emploi des femmes obèses est inférieur de dix points à celui des femmes non obèses, pointe l'Insee - passer un examen médical (siège, table ou matériel non adaptés) ou contracter un prêt bancaire. Pour Agnès Maurin, de la Ligue contre l'obésité, les personnes souffrant d'obésité n'ont dans les faits pas les mêmes droits que les autres.
"C'est la maladie de la morale. Si on est en situation d'obésité, c'est de notre faute. On nous dit de nous bouger, de faire un jogging tous les matins ou de manger moins. Mais on oublie que l'obésité est une maladie, on ne soignerait pas le cancer avec des fruits et des légumes."
Agnès Maurin dénonce ainsi un autre effet pervers de cette maladie "qu'on ne guérit pas" et reconnue par l'OMS comme la cinquième cause de mortalité. "Puisque ce ne serait qu'une question de volonté, les personnes souffrant d'obésité ne consultent pas et se débrouillent seules, ajoute-t-elle. Elles tentent régime sur régime, dérèglent un peu plus leur métabolisme et avec l'effet yoyo, elles se retrouvent à faire 150 kg."