La peur de la variole du singe est-elle une conséquence du traumatisme lié au Covid-19?

Un agent de nettoyage à Milan pendant la pandémie de coronavirus, le 31 mars 2020 (photo d'illustration) - Piero Cruciatti / AFP
Après deux ans de pandémie aux nombreuses conséquences sociales et économiques, trois confinements et des restrictions sanitaires, la soudaine apparition de plusieurs cas de variole du singe un peu partout sur la planète nous fait-elle anticiper une nouvelle pandémie avant l'heure? La variole du singe réveille-t-elle la crainte d'une nouvelle pandémie?
"Réactiver le traumatisme du Covid"
La France ne compte pour l'heure que trois cas de variole du singe mais le nombre de personnes infectées se multiplie à l'étranger. Au Royaume-Uni, les autorités sanitaires enregistrent ainsi chaque jour de nouveaux cas. L'Espagne a lancé une alerte sanitaire. Et l'Organisation mondiale de la santé s'inquiète d'une accélération du nombre de cas en Europe.
"Si le nombre de cas augmente, que le phénomène prend de l'ampleur médiatiquement et politiquement, il est possible que cela réactive le traumatisme du Covid", pointe pour BFMTV.com Virginie Piccardi, psychologue et membre de la Fédération française des psychologues et de psychologie. Elle évoque ainsi des similitudes entre la variole du singe et le SARS-CoV-2.
"Il est à nouveau question d'une maladie venue d'ailleurs, d'un animal à l'origine du virus, c'est une maladie que le grand public découvre, les médecins ne connaissent pas précisément les modes de transmission (par les fluides corporels et contact avec les lésions cutanées, mais en théorie le virus ne se transmet pas par les muqueuses lors d'un rapport sexuel, NDLR). Il y a des mécanismes qui se font écho."
Des mécanismes de défense
Pas étonnant donc que certains et certaines se préparent déjà à une nouvelle pandémie. Pour cette psychologue, l'épidémie de variole du singe pourrait ainsi réveiller une expérience difficile et raviver des mécanismes de défense, particulièrement chez les personnes qui ont souffert du Covid-19 et des conséquences de la crise sanitaire.
"Avec le Covid, on a découvert le caractère aléatoire de la maladie, évoluant sans explication vers une forme grave, on a vu des médecins qui n'étaient pas d'accord, des consignes qui évoluaient voire qui devenaient contradictoires, tout cela a généré beaucoup d'angoisses. Il n'est donc pas étonnant que certains anticipent une situation similaire."
Cette psychologue craint ainsi que certaines personnes, au terrain anxieux favorable, ne se remettent "en mode pandémie", "avec toutes les incertitudes et la perte de confiance que cela génère".
Des situations différentes
Mais India Leclercq, enseignante-chercheuse à la cellule d'investigation biologique d'urgence de l'Institut Pasteur, université Paris-Cité, se veut rassurante. Selon elle, la situation est totalement différente. D'abord du point de vue du virus lui-même.
"Les virus de la variole et de la variole du singe appartiennent à la même famille et au même genre de virus, les orthopoxvirus que l'on connaît déjà, explique-t-elle à BFMTV.com. Ce sont des virus stables à ADN qui mutent beaucoup moins que les virus à ARN, comme le SARS-CoV-2."
Quant à la situation épidémique, on est encore très loin de la pandémie de Covid-19, poursuit la chercheuse de l'Institut Pasteur.
"On peut s'attendre à de nouveaux cas dans les prochaines semaines en France et dans le reste de l'Europe mais en proportion, cela peut rester limité, relativise-t-elle. Car les personnes infectées ne sont contagieuses qu'une fois que les premiers symptômes sont déclarés, contrairement au SARS-CoV-2, et les lésions cutanées apparaissent quasi dès le début."
Une "petite épidémie", pas une pandémie
Ce qui signifie que même si la période d'incubation est longue - de six à seize jours - il ne peut en principe pas y avoir de malades asymptomatiques qui transmettraient la maladie, comme cela a été le cas pour le Covid.
"On a affaire à une épidémie de faible ampleur qu'on pense pouvoir maîtriser relativement rapidement et facilement, ajoute la chercheuse de l'Institut Pasteur. Ce sont quelques cas disséminés en Europe, avec certes des cas sur tous les continents, mais on n'est pas face à une pandémie."
Si le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a estimé que le risque de contagion de la variole du singe était "élevé" chez les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels, il l'a en revanche jugé "très faible" dans la population générale.
India Leclercq rappelle également que la variole du singe est "relativement" bénigne. "On considère la létalité de la souche qui circule en Europe de 1 à 3%. Par comparaison, le virus de la variole est beaucoup plus pathogène et plus dangereux avec un taux de létalité de 30%."