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Les plus de 50 ans sont-ils immunisés contre la variole du singe?

Un enfant infecté par la variole du singe, à Zomea Kaka, en République centrafricaine le 18 octobre 2018 (photo d'illustration)

Un enfant infecté par la variole du singe, à Zomea Kaka, en République centrafricaine le 18 octobre 2018 (photo d'illustration) - CHARLES BOUESSEL / AFP

Jusqu'en 1979, en France, les enfants étaient obligatoirement vaccinés contre la variole. Cette vaccination protège-t-elle contre la variole du singe?

Alors que les cas se multiplient, notamment au Royaume-Uni, et que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'inquiète d'une accélération de la transmission - la France compte pour l'heure une seule personne infectée - la question d'une éventuelle immunité contre la variole du singe se pose. Car les personnes qui ont été vaccinées dans leur enfance contre la variole sont-elles protégées contre l'orthopoxvirose simienne, qu'on appelle plus communément variole du singe?

D'abord, un bref rappel historique s'impose. En 1979, la variole était mondialement éradiquée, ce qui était officiellement acté quelques mois plus tard par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La même année, la France levait l'obligation de primo-vaccination antivariolique des jeunes enfants, en vigueur depuis le début du XXe siècle. Quant aux rappels - à 10 ans et 21 ans - ils n'étaient plus obligatoires à partir de 1984. Ce qui signifie que plus aucun enfant né après 1979 - soit les personnes âgées aujourd'hui de moins de 43 ans - n'a été vacciné contre la variole (même si le vaccin était déjà en perte de vitesse les années précédentes).

"Une protection croisée"

Si la variole et la variole du singe ne sont pas les mêmes virus, "ils sont très proches génétiquement", précise pour BFMTV.com India Leclercq, enseignante-chercheuse à la cellule d'investigation biologique d'urgence de l'Institut Pasteur, université Paris-Cité. "Ils appartiennent à la même famille et au même genre de virus, les orthopoxvirus."

L'OMS évoque ainsi une efficacité de 85% de la vaccination antivariolique pour la prévention de l'orthopoxvirose simienne. "Des antécédents de vaccination antivariolique entraînent probablement une évolution plus bénigne de la maladie", considère encore l'agence des Nations unies pour la santé publique.

Un point de vue que partage Jean-Daniel Lelièvre, chef des maladies infectieuses de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil, dans le Val-de-Marne, qui évoque pour Le Parisien "une protection croisée". S'il reconnaît que celles et ceux qui ont été vaccinés il y a plusieurs décennies n'ont plus d'anticorps aujourd'hui, "ils sont capables d'en produire très vite, en quelques jours, et de très bonne qualité". Ce qui signifie qu'ils ne peuvent, en principe, "pas être contaminés".

Une efficacité moins forte

Si les générations qui ont connu l'obligation vaccinale seraient bel et bien protégées contre la variole du singe, l'efficacité serait cependant moins forte qu'annoncée, nuance India Leclercq, de l'Institut Pasteur.

"Les données de l'OMS se basent sur des études anciennes. Selon des études épidémiologiques plus récentes, il semblerait que cette efficacité soit diminuée, plutôt autour de 60% à 80%."

India Leclercq remarque ainsi que la plupart des cas recensés de variole du singe concernent des individus âgés entre 20 et 40 ans. "Ce sont en effet des personnes qui n'ont jamais reçu de vaccin contre la variole, puisque la maladie était éradiquée", notant qu'il y a "peu de cas chez les plus de 50 ans".

Mais si ces derniers sont relativement protégés, "à l'échelle totale de la population, nous n'avons qu'une protection très relative", pointe pour BFMTV l'épidémiologiste Yves Buisson, membre de l'Académie de médecine. La chercheuse de l'Institut Pasteur explique ainsi la recrudescence de cas de variole du singe par l'arrêt de la vaccination contre la variole, "même si d'autres facteurs entrent en jeu, comme l'exposition plus fréquente aux animaux sauvages", ajoute-t-elle.

Le risque d'une mutation?

Faut-il cependant craindre, à l'image du SARS-CoV-2, que le virus ne mute, rendant le vaccin et donc la protection qu'il confère, obsolètes? Les risques sont faibles, explique encore India Leclercq, la chercheuse de l'Institut Pasteur.

"Ce sont des virus à ADN qui mutent beaucoup moins que les virus à ARN, comme la grippe ou le SARS-CoV-2. Ce sont donc des virus stables mais si leur capacité à muter est moindre, on ne peut pas non plus l'exclure. Il faudrait pour cela avoir accès à la séquence génétique complète de ce virus. On en a séquencé une partie mais pas le génome entier qui est très long."

Quoi qu'il en soit, le vaccin n'est actuellement plus disponible. Comme l'indique l'OMS, sa fabrication a été arrêtée après l'éradication de la variole. Le Royaume-Uni et l'Espagne ont ainsi commandé des milliers de doses de vaccin. Si Jean-Daniel Lelièvre, le chef des maladies infectieuses de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil, assure que la France ne dispose pas de stocks, il serait tout de même possible d'en fabriquer "quelques milliers".

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV