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"L'épidémie n'est pas finie": comment les spécialistes analysent l'actuelle hausse de l'incidence

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Après des semaines d'accalmie sur le front du Covid-19, les indicateurs de suivi épidémiologique frémissent à nouveau et tendent vers une hausse des contaminations.

Une hausse des contaminations et sept départements repassés au-dessus du seuil d'alerte: après des semaines de diminution et un déconfinement progressif, l'incidence augmente à nouveau à la faveur de la prolifération du variant Delta, devenu majoritaire en France au cours du week-end écoulé.

"L'épidémie est en train de repartir", s'est inquiété dimanche Olivier Véran sur Radio J, déclarant craindre "20.000 cas (par jour), voire plus, début août si nous n'agissons pas".

Si la situation hospitalière était stable dimanche, le nombre de malades hospitalisés pourrait de nouveau augmenter, quoique moins rapidement que lors des précédentes vagues du fait de la campagne de vaccination. Face à cet état de fait, épidémiologistes et modélisateurs appellent à la prudence, alors qu'Emmanuel Macron s'exprimera ce lundi soir lors d'une allocution qui s'annonce par la force des choses largement consacrée au virus.

Similitudes avec l'été 2020

"La situation ressemble à celle de l'été dernier, mais avec une différence notable qui est la vaccination, et notamment la vaccination des personnes à risque, des personnes âgées", pointait ce lundi sur BFMTV l'épidémiologiste Antoine Flahault, soulignant qu'il y a "une augmentation très rapide des transmissions, essentiellement chez les jeunes (...) qui ne sont pas vaccinés pour la plupart".

En juin, les autorités sanitaires britanniques pointaient que le variant Delta était jusqu'à 60% plus contagieux que son prédécesseur Alpha, aussi dit britannique.

"Si on veut se débarrasser vraiment des conséquences de cette pandémie, il faut que tout le monde se vaccine", exhorte le spécialiste.

Dépistages et isolements pour contrer la dynamique

Modélisateur de l'épidémie pour le CNRS, Jean-Stéphane Dhersin juge les projections avancées par le ministre de la Santé comme étant "tout à fait crédibles". "On est quasiment à un doublement toutes les semaines", insiste-t-il sur notre antenne, jugeant "insuffisantes" les mesures actuellement en vigueur "pour juguler cette croissance" épidémique.

"Les personnes qui sont à risques, les personnes âgées et les personnes qui ont des comorbidités sont pour beaucoup vaccinées, et ça explique que le nombre de cas à l'hôpital soit pour l'instant relativement faible", se félicite-t-il toutefois.

Sur la vaccination, tous les spécialistes sont unanimes et exhortent à ce qu'elle soit la plus large possible, à l'heure où l'on parle d'éventuelle obligation pour certains corps de métiers comme les soignants voire en population adulte générale. Mais il ne faudrait pas compter seulement sur cet outil pour enrayer la dynamique épidémique actuelle et constituer la panacée.

"La vaccination, c'est pour anticiper l'automne", estime l'infectiologue de l'hôpital américain de Paris Christophe Rapp, par ailleurs consultant santé pour BFMTV. "La vaccination c'est une arme très efficace, mais pour freiner l'épidémie, ce sont des mesures de restriction, le dépistage précoce et l'isolement des cas", a-t-il ajouté.

"L'épidémie n'est pas finie"

Même son de cloche chez l'épidémiologiste Dominique Costagliola, invitée de BFMTV ce lundi matin. "Malheureusement, l'épidémie n'est pas finie, on a un virus extrêmement contagieux qui est en train de faire remonter l'incidence dans tous les pays d'Europe", soulignait la directrice de recherche à l'Inserm, qui estime qu'il faudrait "potentiellement revenir sur certaines mesures abandonnées le 30 juin", comme les jauges dans les lieux publics.

"On a entre quatre et six semaines de délai par rapport aux Britanniques, on pourrait avoir un délai un peu moindre qu'eux" quant à l'augmentation des hospitalisations car les populations à risque sont malgré tout moins vaccinées en France qu'outre-Manche.

"Je pense que le message qu'on a envoyé sur la libéralisation des mesures, à partir de mai, ça a été un message qui consistait à dire 'c'est fini', alors que malheureusement, on est bien en train de constater que ce n'est pas fini", met en garde Dominique Costagliola.

"Ca n'est pas fini tant qu'on n'a pas atteint un niveau de couverture vaccinale élevée et qu'on n'a plus un virus qui circule de façon prolongée", ajoute-t-elle. "Malheureusement, ce n'est pas (un bel été, NDLR) qui se présente devant nous", poursuit la scientifique, qui pense que l'on ne s'en sortira qu'à la condition d'"arriver à vacciner plus de 90% de la population".

"Il faut faire attention"

Ce lundi sur franceinfo, Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital parisien Bichat, où il était d'astreinte au cours du week-end, pointait que "plus des deux tiers" des nouveaux malades admis n'étaient "pas vaccinés".

Pour lui, la dynamique épidémique n'est pas à ce stade complètement prévisible et "dépend de beaucoup d'éléments" et notamment "encore une fois de nous".

"On est devant un virus qui est plus transmissible que le virus Alpha, qui était lui-même plus transmissible que les virus précédents. Donc, il faut faire attention", recommande-t-il.
Clarisse Martin Journaliste BFMTV