"Je pense tout l'inverse": Catherine Vautrin marque sa différence avec Retailleau sur la fin de vie

Au gouvernement, on s'autorise une certaine "polyphonie" depuis la nomination comme Premier ministre de François Bayrou. Cette liberté de parole est de mise alors que la question de la fin de vie fait son retour dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de ce lundi 12 mai via deux textes distincts.
La preuve avec l'interview de Catherine Vautrin sur BFMTV-RMC. La ministre de la Santé répond directement à son collègue de l'Intérieur Bruno Retailleau qui s'oppose à la création d'une aide à mourir, dispositif bien moins consensuel que le renforcement des soins palliatifs prévu dans le premier texte.
Au patron de la place Beauvau qui parle auprès du Journal du Dimanche d'un texte "profondément déséquilibré", Catherine Vautrin répond: "Je pense exactement l’inverse."
"Des personnes habitées au quotidien par la souffrance"
Celle qui représentera le gouvernement à l'Assemblée pendant les débats précise ensuite:
"Tout ce qui me guide depuis le premier jour de ce texte est l’accompagnement des malades en fin de vie. On parle de personnes dont la situation est irréversible, qui sont habitées au quotidien par la souffrance."
Et la ministre d'insister:
"Avons-nous le droit de dire que l'on ne s'intéresse pas à ces sujet? Dans ce cas-là, un certain nombre de nos concitoyens - ceux qui en ont les moyens, ceux qui le peuvent - font le choix de partir en Belgique, au Luxembourg. Est-ce que c’est cela la réponse de la République?"
Vautrin souhaite "compléter" ce texte
Le texte sur la création d'une aide à mourir prévoit plusieurs critères. Le patient doit être majeur, "apte à exprimer sa volonté de façon libre et éclairée", atteint d'une "affection grave et incurable" qui "engage le pronostic vital en phase avancée ou terminale" et ne plus supporter ses souffrances.
Catherine Vautrin a précisé dans une interview au Parisien dimanche sa volonté de "compléter" le texte déposé par le député Olivier Falorni (Modem) pour l'encadrer davantage et faire en sorte que "l'accès à l'aide à mourir soit très encadré".
"Le gouvernement va déposer un amendement pour définir la 'phase avancée', à savoir 'l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé qui affecte la qualité de vie'", a-t-elle expliqué.
Comme "le discernement est absolument majeur", Catherine Vautrin va aussi déposer "au nom du gouvernement un amendement pour rétablir le délai de réflexion incompressible de 48 heures à compter de l'accord des médecins".
Sur l'injection du produit, "le patient doit s'administrer la substance létale, cela doit être la règle" et "la réalisation par un professionnel de santé sera l'exception, même s'il y aura toujours la présence d'un soignant en cas d'auto-administration", a insisté la ministre.
L'autre texte, celui sur les soins palliatifs, prévoit la création d'un "droit opposable", alors que selon un rapport de la Cour des comptes de juillet 2023, seuls la moitié des besoins étaient pourvus.
En parallèle, l'État investira "100 millions d'euros de plus par an pendant dix ans et en formant mieux les professionnels", a rappelé Catherine Vautrin.
Les députés débattront des propositions de loi sur la fin de vie durant deux semaines, week-end compris s'il le faut, avant un vote solennel prévu le 27 mai.
Après s'être engagé en 2022 à confier une réflexion sur le sujet à une convention citoyenne, Emmanuel Macron avait dévoilé en mars 2024 les grandes lignes d'un projet de loi sur la fin de vie. Mais la dissolution de l'Assemblée nationale a stoppé son examen. Soumis à une forte pression des députés, François Bayrou a ensuite remis l'ouvrage sur le métier, mais en scindant le projet de loi en deux.