Covid-19: pourquoi le nombre de cas s'envole à Hong Kong

Patients traités à l'extérieur d'un hôpital à Hong Kong le 11 mars 2022, alors que les services de soins sont dépassés par les nombreux cas de Covid-19 - DALE DE LA REY / AFP
En moins de trois mois, avec l'arrivée du variant Omicron, plus de 600.000 personnes ont été testées positives à Hong Kong, contre seulement 12.000 au cours des deux premières années de la pandémie. D'après des calculs de l'Université d'Hong Kong publiés lundi, 3,6 millions de personnes auraient en réalité été infectées, soit presque la moitié de la population, un chiffre qui pourrait grimper jusqu'à 4,5 millions.
Ce territoire, qui suit depuis le début de la pandémie une stratégie "Zéro Covid", connaît actuellement un des taux de létalité les plus élevés parmi les pays développés, avec des taux de mortalité particulièrement forts dans les maisons de retraite.
Hong Kong a enregistré 4279 morts dues au Covid-19 depuis le début de la pandémie, dont au moins 4066 depuis le 31 décembre 2021, selon le dernier bilan daté du 14 mars. Les personnes âgées vivant en maisons de retraite représentent près de 60% des décès liés au coronavirus depuis janvier.
· Un très faible taux d'immunité
Pour le microbiologiste Siddharth Sridhar, cela n'a malheureusement rien de surprenant. Dans un tweet, il a évoqué un faible taux de vaccination chez les personnes âgées et une très faible immunité collective dans un territoire jusqu'ici quasiment épargné par le virus. Jusqu'à présent, moins de 50% des septuagénaires ont en effet reçu deux doses de vaccin, et seulement 32% des plus de 80 ans.
"Environ 90% des personnes mortes lors de la cinquième vague n'avaient pas reçu deux doses de vaccin", écrit le gouvernement hongkongais. Il "recommande fortement aux personnes éligibles (en particulier celles âgées de moins de 12 ans ainsi que les personnes âgées de 60 ans et plus) à se faire vacciner dès que possible".

Dans les pays mettant en place la stratégie "Zéro Covid", "il aurait fallu en parallèle faire une politique de vaccination pour protéger la population parce que le virus n'avait pas circulé, il n'y avait pas d'infections", et donc une immunité naturelle faible, soulignait lundi sur France Inter l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.
"Cela a été fait très bien en Australie, Nouvelle-Zélande où ils ont eu une remontée des cas mais pas de formes graves en quantité. Malheureusement à Hong Kong ils ont aujourd'hui, parce qu'ils n'ont pas réussi à vacciner avec des vaccins efficaces les personnes de plus de 50 ans, des taux de mortalité qu'on n'a jamais connus en Europe", explique-t-il.
David, gériatre auprès d'une soixantaine de maisons de retraite, estime auprès de l'AFP que le faible nombre de décès du Covid-19 à Hong Kong au cours des deux premières années a contribué à un "faible niveau de vigilance" de la part des familles des personnes âgées. Selon lui, beaucoup ont hésité à se faire vacciner, la crainte des effets secondaires étant plus forte que celle d'une maladie quasiment inexistante pendant deux ans.
· Des vaccins moins efficaces ?
Pour Arnaud Fontanet, cette recrudescence importante de cas est aussi due à "des vaccins qui ne fonctionnent pas très bien".
D'après le Financial Times, la propagation du virus est aussi aggravée par le fait que sur les 31% de Hongkongais âgés qui ont reçu au moins une dose de vaccin, plus des deux tiers ont reçu Sinovac, le vaccin fabriqué en Chine, qui offre "une protection négligeable contre Omicron". Les autres ont eu le vaccin BioNTech, le plus efficace actuellement sur le marché.
Selon une étude de l'université de Hong Kong en décembre dernier sur une vingtaine de personnes, les vaccinés par Sinovac ne présentaient pas suffisamment d'anticorps pour lutter contre le Covid-19. Selon des résultats préliminaires du groupe Sinovac, avec deux doses, l'efficacité de son vaccin contre le variant Omicron n'atteint que 35%, quand elle serait bien supérieure avec une dose de rappel. À titre de comparaison, l'efficacité d'une troisième dose du vaccin Pfizer est estimée entre 70 et 75% sur Omicron.
· L'encombrement des hôpitaux
Siddharth Sridhar pointe également du doigt dans cette catastrophique cinquième vague des "personnels de santé débordés". Les hôpitaux hongkongais sont en effet submergés: les corps s'entassent, les patients âgés attendent désespérément d'être pris en charge dans des salles de soins improvisées, voire en plein air. Les maisons de retraite, sous-équipées et souffrant d'un manque cruel de personnel sont particulièrement touchées.
Ces maisons "n'ont pas été conçues ou équipées pour (placer les gens) en quarantaine... nous sommes dans une impasse", déplore Cheng Ching-fat, secrétaire général du syndicat des salariés des maisons de retraite, auprès de l'AFP. "Contraindre les personnes âgées à retourner dans les maisons de retraite, c'est comme de les envoyer mourir".
Mercredi dernier la cheffe de l'exécutif, Carrie Lam, a annoncé que tous les résidents de maisons de retraite recevraient au moins une dose de vaccin d'ici deux semaines. Mais pour le syndicaliste Cheng Ching-fat, cela arrive "trop tard" et "ils ne peuvent pas empêcher les personnes âgées de mourir".
