Covid-19: est-il possible d'être contaminé trois fois ou plus?

Réalisation d'un test PCR (illustration) - GUILLAUME SOUVANT
L'histoire d'un adolescent de Tarbes (Hautes-Pyrénées) ayant attrapé le Covid-19 à trois reprises a beaucoup circulé dans le courant de la semaine dernière. Le lycéen aurait été infecté à trois reprises, en juin 2020, octobre 2020 et fin mai 2021, comme l'explique La Semaine des Pyrénées. S'il n'a développé que de faibles symptômes en juin et octobre, les journaux locaux qui se sont intéréssés à son cas rapportent que sa dernière infection au Covid-19 a entraîné des symptômes beaucoup plus forts.
Plusieurs histoires de personnes ayant été infectées à trois reprises ont d'ailleurs circulé ces derniers mois, laissant penser que l'immunité contre le Covid-19, établie après une infection, pouvait être minime. Mais selon les données actuelles, qui restent parcellaires, si les réinfections existent, "cela reste des cas limités, étudiés particulièrement par la médecine justement parce qu'ils sont rares", explique à BFMTV.com Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie.
La durée de l'immunité après réinfection incertaine
Il faut d'abord rappeler que le SARS-CoV-2 est un virus dont plusieurs aspects restent encore méconnus, et l'immunité prodiguée à la suite d'une infection fait partie de ces éléments encore à l'étude.
Les anticorps dirigés contre la protéine spike du virus du Covid-19 persistent "jusqu'à 13 mois après l'infection", expliquait une pré-étude du CHU de Strasbourg (France) en mai. Une étude italienne publiée début mai avait de son côté annoncé que les anticorps neutralisant le Covid-19 restaient dans le sang pendant au moins huit mois après une infection.
"Si les données épidémiologiques et expérimentales suggèrent qu’une première infection est capable d’induire une immunité protectrice satisfaisante pendant au moins 6 mois, des cas avérés de réinfection malgré la présence significative dans le sang d’anticorps neutralisants ont été rapportés", écrivait l'Inserm en février.
Éric Billy pointe de son côté également l'existence de personnes ayant développé "une réponse immunitaire avec peu d'anticorps neutralisants", lors de leur première infection, "des gens qui ont une immunité plus faible", et qui seraient donc plus facilement réinfectés par la suite. Ce groupe serait également plus sensible face aux variants.
S'agit-il vraiment d'une réinfection?
Dans le cas du patient de Tarbes, il est possible qu'il ne s'agisse pas forcément de trois infections séparées. Comme le note France 3 Occitanie, "seulement deux sont vérifiées et validées par des tests covid PCR positifs, celles d'octobre 2020 et de mai 2021". Mais un test PCR positif ne signifie pas forcément qu'un patient a été réinfecté. Il est en effet possible d'être testé positif puis négatif puis de nouveau positif en quelques semaines, sans avoir été réellement réinfecté.
"Le virus n’est quasiment plus actif dans l’organisme mais vous en avez gardé un peu. Si la PCR est très sensible, ça peut matcher", indique auprès du Parisien Yves Gaudin, virologue et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). "Il est essentiel de distinguer une réinfection par un nouveau SARS-CoV-2 d'une réactivation du virus initial entre temps transformé par son évolution naturelle", note également le Vidal.
Le site médical établit les différentes conditions imaginées actuellement pour définir une réinfection, notant "qu'aucun consensus formel n'existe" sur cette question. Une réinfection pourrait ainsi se caractériser par deux épisodes de Covid-19 "pas forcément symptomatiques, confirmés par PCR". Un intervalle sans symptôme entre les deux épisodes doit être observé - sans qu'aucun délai clair ne soit arrêté - et "un ou plusieurs tests PCR négatifs" doivent être réalisés dans cette période. Idéalement, un séquençage comparatif des virus doit venir prouver que les souches des deux infections supposées sont différentes, et qu'il s'agit donc d'une nouvelle infection.
Le sujet très complexe de la réinfection est arrivé, fatalement, dans un deuxième temps de l'épidémie. Or, les tests de dépistage étaient peu séquencés au début, notamment en France, ce qui empêche dans beaucoup de cas de faire des comparaisons entre première et deuxième infection, explique à BFMTV.com Morgane Bomsel, directrice de recherche en immunologie à l'Institut Cochin. De plus, il ne faut pas oublier "qu'avec les personnes asymptomatiques, on ne sait pas forcément qui a déjà été infecté".
Le cas des variants
Et l'arrivée de différents variants depuis la fin de l'année 2020 pourrait avoir changé la donne sur le sujet, bien que là encore, des recherches sont en cours. Morgane Bomsel cite par exemple la mutation E484K, présente sur plusieurs variants, mais pas sur la souche de base. Les anticorps créés par une première infection ne combattent donc pas cette mutation.
L'étude sud-africaine du vaccin NOVAVAX avait de son côté "montré qu’une immunité contre un variant 'historique' ne protège pas contre les formes légères à modérées d’une infection par le variant 'sud-africain' B.1.351", explique Vidal, car "5% des personnes ayant un antécédent de Covid-19 se sont réinfectés".
En France, l'Inserm a fait état d'un premier cas en février de réinfection grave par le variant sud-africain, notant cependant que "le virus responsable du premier épisode infectieux n’a pas pu faire l’objet d’un séquençage. Toutefois, la survenue de la première infection un mois avant la première description du variant 501Y-V2 en Afrique du Sud, et trois mois avant son premier signalement en France, écarte la possibilité d’une récurrence de la première infection".
Identifier des cas particuliers de réinfection reste donc, encore aujourd'hui, difficile, d'autant que ces cas semblent rares, l'immense majorité des personnes déjà infectées produisant une immunité suffisante, et ne contractant pas de nouveau le virus. D'après les différentes recherches réalisées à ce jour, "actuellement on parle de 0,1% de réinfection" chez les personnes ayant déjà été malades, souligne Morgane Bomsel.
