Covid-19: face au variant indien, des médecins appellent à renforcer le séquençage des tests

Une technicienne travaille sur le séquençage du génome du Sars-CoV-2 et de ses variants à l'Institut Pasteur, le 21 janvier 2021 à Paris. - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP
Une surveillance épidémique qui ne satisfait pas tout le monde. Tandis que le déconfinement poursuit son cours dans l'Hexagone, avec notamment la réouverture ce mercredi des terrasses et des cinémas, plusieurs professionnels de santé nous invitent à regarder de l'autre côté de la Manche, où circule activement le variant indien.
Au Royaume-Uni, le gouvernement britannique a d'ores et déjà prévenu que la circulation de plus en plus forte de cette mutation du virus pourrait remettre en question le rythme de réouverture du pays.
"Il faut s'inquiéter du variant indien", a prévenu lundi sur RMC Philippe Froguel, diabétologue et généticien au CHU de Lille et à l'Imperial College de Londres.
Inquiétudes sur la circulation du variant indien en France
Les tests actuellement proposés en France ne permettent pas de détecter la présence du variant indien, celle-ci ne pouvant être établie à ce stade qu'après analyses en laboratoire.
Problème: l'activité des centres de génomique humaine est sous tension en raison de l'épidémie, il faut donc attendre souvent plusieurs semaines avant l'obtention de résultats définitifs. Des délais variables qui arrivent donc trop tardivement et empêchent de suivre correctement la circulation des nouveaux variants.
Au moins 24 cas de contamination au variant indien ont pour l'heure été détectés en France: 22 de ces épisodes identifiés par Santé Publique France concernent des personnes de retour d'Inde et deux n'ont strictement rien à voir avec le pays, rappelle l'endocrinologue, "ce qui est extrêmement inquiétant". Le difficile traçage de ces deux cas isolés laisse effectivement suggérer que ce chiffre de 24 est sous-estimé, de nombreux cas ayant pu être encore non identifiés.
"On est totalement aveugles, on fait l'autruche, il faut déconfiner en gardant les yeux ouverts", avertit Philippe Froguel.
"Il faut séquencer le plus possible"
Face à cette situation, le professeur au CHU de Lille en appelle à "un effort massif de séquençage" de la part des autorités sanitaires, celui-ci devant passer par une collaboration entre les centres de génomique humaine et le secteur privé, "qui est prêt à la faire".
"On peut faire aussi bien que dans les autres pays en deux semaines. Et savoir région par région, ce que l'on ne sait pas, s'il y a des porteurs du variant indien", a-t-il ajouté.
Une amélioration de la surveillance épidémique est également jugée nécessaire par le biologiste Éric Karsenti. Interrogé par nos confères du Figaro, le membre de l'Académie des sciences estime qu'il faudrait séquencer entre "10.000 et 15.000 échantillons par semaine" en France.
"Il faut séquencer le plus possible d’échantillons positifs pour avoir une vision statistique de la circulation des variants et en repérer de nouveaux", soutient le biologiste.
4.434 séquençages réalisés la semaine dernière
Selon les données du consortium EMER-GEN, mis en place au début de l'année 2021 pour notamment détecter le variant britannique, 4.434 séquences ont été réalisées au cours de la semaine 18 (lundi 3 au dimanche 9 mai), c'est 5,2% de plus qu'au cours de la semaine précédente.
"Le séquençage peut encore s’améliorer", reconnaît dans Le Figaro le Pr Jean-Michel Pawlotsky. Le chef du service de bactériologie et virologe à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil considère par ailleurs qu'"il serait bien de réduire le temps de publication des enquêtes flash au-dessous de deux semaines".
Pour Éric Karsenti, il faudrait solliciter France Génomique, qui regroupe les principales plateformes de séquençage et de bio-informatique en France, "des experts du séquençage et qui n’ont pas encore été mis à contribution".