Adopter le "régime méditerranéen", la recette idéale pour notre santé?

Un plat présenté à A Mediterranean Odyssey par Yotam Ottolenghi, le 17 octobre 2014 à New York - Dave Kotinsky / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
C'est l'été, il fait chaud, le ciel est bleu, les tables sont garnies de "tomates-mozza", de focaccia à l'huile d'olive, de houmous, de gaspacho ou de tapenade. En été, nombreux sont ceux qui adoptent un mode de vie, ou au moins une alimentation, que l'on pourrait qualifier de "méditerranéenne".
Ce "régime méditerranéen", ou régime crétois, pourrait être suivi toute l'année, car il présente d'indénombrables bienfaits pour la santé. Présent à divers degrés et dans différentes formes dans tous les pays bordant la mer Méditerranée, il a été reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco.
"Il n'y a pas souvent autant de convergence dans la science", note auprès de BFMTV.com Denis Lairon, nutritionniste et directeur de recherche émérite à l'Inserm.
Produits d'origine végétale, huile d'olive et protéines maigres
C'est dans les années 1950, en Crète justement, que des chercheurs, sous la direction de l'Américain Ancel Keys, ont commencé à s'intéresser à cette alimentation, constatant que ceux qui vivaient dans certains pays de la Méditerranée étaient moins touchés par les maladies cardiovasculaires et par la mortalité prématurée rapport aux pays "témoins", où l'on n’adoptait pas ce régime, comme les États-Unis.
Ces régions avaient une chose en commun: une alimentation riche en aliments d'origine végétale et en graisses insaturées, que l'on trouve dans l’huile d'olive, certains poissons ou encore les fruits à coque.
En effet, la base de l’alimentation méditerranéenne traditionnelle est constituée de céréales consommées sous forme de pain, pâtes ou semoule, de fruits et de légumes, de légumes secs (pois chiches, pois, fèves), des graines oléagineuses (amandes, noix) et de l’huile d’olive, seule source de matière grasse traditionnelle.
Ensuite, en quantités bien moindres, on trouve surtout des protéines maigres (volaille et ovine et des poissons riches acides gras oméga-3), peu de produits laitiers et peu de fromages. Les aliments sucrés, comme les pâtisseries, sont essentiellement réservés pour les fêtes.
Il ne s'agit toutefois pas d'un régime au sens strict du terme puisqu'il n'y a pas de restrictions particulières ou d'évincement total de certains types d'aliments. En outre, s'il est plutôt associé à l'été, le régime méditerranéen est tout à fait déclinable pour toutes les saisons et de nombreux plats traditionnels correspondent finalement déjà bien à la définition.
Le risque de mourir prématurément diminué
Plus tard, de nouvelles études ont corroboré ces résultats, à l'instar d'une étude d'intervention espagnole sur plus de 7.000 personnes divisées en trois groupes. Elle a montré qu'au bout de quatre ans et demi après avoir adopté le régime méditerranéen, les risques cardiovasculaires avaient diminué de 30%.
"C'est spectaculaire", commente Denis Lairon.
De la même manière, une étude parue en 2023 dans la revue JAMA Internal Medicine, a comparé les effets de l'adoption de diverses habitudes alimentaires saines et se sont aperçu que chez les personnes qui suivaient un régime méditerranéen strict sur le long terme, le risque de mourir prématurément d'une cause quelconque était diminué de 20% sur une période de 36 ans.

Il agit sur le surpoids, associés à plusieurs pathologies
Comme l'explique Denis Lairon, l'alimentation méditerranéenne a d'abord un effet sur ce qu'on appelle le syndrome métabolique, qui "correspond à l’association de plusieurs troubles liés à la présence d’un excès de graisse au niveau du ventre".
Des problèmes de santé comme le diabète de type 2, les maladies du foie ou les maladies cardiovasculaires sont réduits de presque de moitié si l'on adopte un régime méditerranéen.
"Ça réduit en moyenne l'IMC de 5% avec moins de lipides saturés, plus d'oméga-3, moins de sucre", explique Denis Lairon. "On inverse le rapport protéines végétales/ protéines animales, on a deux fois plus de fibres, plus de vitamines C et E et hausse des apports en certains nutriments."
Ce moindre risque de surpoids et d'obésité, qui sont des facteurs aggravants, réduit alors le risque de développer un cancer. En outre, des chercheurs ont montré que l'alimentation méditerranéenne réduisait l’inflammation et la croissance des tumeurs, alors qu'une consommation excessive de viande rouge, de charcuterie ou d'aliments ultratransformés ont des conséquences délétères.
Des bienfaits neurologiques jusqu'à la santé mentale
Plus récemment, des bienfaits neurologiques ont été observés, grâce aux antioxydants (très présents dans les fruits, légumes, épices, fruits secs et oléagineux) et aux acides gras oméga-3, tous deux attaquant le vieillissement des cellules et des neurones.
Dans une étude parue en 2022, des chercheurs ont étudié les effets dans le temps d'un suivi du régime méditerranéen chez plus de 6.300 adultes ou âgés. Ceux qui se conformaient de manière stricte au régime jouissaient de capacités cognitives globales supérieures et leur capacité à apprendre et à retenir déclinait plus lentement sur une période de sept ans par rapport à ceux qui suivaient le régime de manière moins stricte.
"Les recherches suggèrent que le fait de se conformer au régime méditerranéen est corrélé à un volume cérébral plus important et à un taux réduit d'atrophie cérébrale, qui sont des marqueurs d'un vieillissement plus sain du cerveau", explique à National Geographic Lisa Mosconi, neuroscientifique et directrice du Programme de prévention contre la maladie d'Alzheimer de la Faculté de médecine Weill-Cornell.
Désormais, les chercheurs s’intéressent même aux effets sur la santé mentale (anxiété, dépression...). À Bordeaux, ils ont établi que manger régulièrement des fruits et légumes ferait baisser de 30 % les risques de démence, et des poissons riches en oméga-3 de 36%.
L'effet huile d'olive
Une telle alimentation est généralement considérée comme saine car riche en fruits et légumes. C'est vrai, mais le régime méditerranéen comporte un élément déterminant et sous-estimé: l'huile d'olive vierge extra, qui y joue le rôle de principale matière grasse ajoutée.
Plusieurs études montrent ainsi qu'il vaut mieux une alimentation avec de l'huile d'olive qu'un régime sans gras du tout, même pour la perte de poids, ce qui peut paraître contre-intuitif. Cela s'explique par les polyphénols présents dans cette matière grasse, qui jouent un rôle d'antioxydant et d'anti-inflammatoire.

L'inflammation est considérée comme l'un des principaux facteurs à l'origine de certains de nos problèmes de santé les plus chroniques, notamment la maladie d'Alzheimer et le diabète de type 2.
Dans le cadre d'une étude qui a duré dix ans et porté sur plus de 12.000 personnes vivant en Espagne, des chercheurs ont découvert que le risque de mourir d'une maladie cardiovasculaire était deux fois moins élevé chez les personnes consommant une cuillère à café d'huile d'olive vierge extra chaque jour.
"Avec les poissons gras riches en oméga-3 et en vitamine D du régime méditerranéen, c'est un cocktail qui a véritablement fait ses preuves", explique Denis Lairon.
Il est toutefois nécessaire de se procurer une huile d'olive de qualité pour garantir ces bienfaits car certaines, souvent peu onéreuses, ne contiennent quasiment plus de polyphénols en raison de leur processus de récolte et de traitement.
80% de végétaux
De la même manière, si Denis Lairon prône l'adoption d'un régime méditerranéen et donc d'une alimentation plus végétale, il appelle à privilégier le bio au maximum. "C'est dans les fruits, les légumes, les céréales et les légumes secs qu'il y a le plus de pesticides, donc plus on en mange, plus on s'y expose", met en garde le nutritionniste, qui rappelle que ces substances ont des conséquences nocives pour la santé.
Selon lui, dans le cadre d'une alimentation méditerranéenne, il n'est pas nécessaire, sauf s'il s'agit de considérations éthiques ou environnementales, d'aller jusqu'à un régime totalement végétarien ou même végétalien.
"Toutefois, il faut 80% de végétaux dans l'alimentation pour avoir un maximum de qualité nutritionnelle", explique-t-il.
Bon pour la santé et pour la planète
Au-delà des effets sur la santé, adopter de telles habitudes alimentaires est bon pour la planète. Denis Lairon cite ainsi une étude française qui a démontré qu'adopter un régime méditerranéen nécessiterait 35% de terres agricoles en moins, 17% en moins de consommation d'énergie et réduirait de 40% les émissions de gaz à effet de serre, qui contribuent au changement climatique.
La majorité des terres utilisées pour l'agriculture sont dédiées à l'élevage, notamment pour la production de céréales afin de nourrir les animaux. À titre d'illustration, c'est surtout avec du soja que les animaux d'élevage sont nourris. Par exemple, pour produire 100 grammes de poulet, 96 grammes de soja sont nécessaires. Et la grande majorité de ce soja vient d'en dehors de l'Europe, notamment d'Amérique du Sud, ce qui implique des coûts de transports importants et, souvent, contribue à la déforestation.
Réduire de moitié la consommation actuelle de viande en France, pour tomber à 450 grammes maximum par semaine, permettrait d'atteindre les objectifs climatiques fixés pour le pays, soutient une étude du réseau Action Climat et de la Société française de nutrition.