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Alzheimer: le traitement Kisunla, validé aux États-Unis, est-il vraiment "convaincant" contre la maladie?

Une personne atteinte d'Alzheimer en 2011 (illustration)

Une personne atteinte d'Alzheimer en 2011 (illustration) - SEBASTIEN BOZON / AFP

Alors que l'Agence américaine des médicaments a donné son feu vert à la commercialisation du nouveau traitement du laboratoire Eli Lilly, la communauté scientifique met en garde sur des effets secondaires potentiellement graves.

La recherche contre la maladie d'Alzheimer continue de s'accélérer. Ce mardi 2 juillet, l'Agence américaine des médicaments (FDA) a donné son feu vert à la commercialisation d'un nouveau traitement, élaboré par le laboratoire américain Eli Lilly, qui ralentit la progression de la maladie.

Administré par injection intraveineuse, le Kisunla, dont le nom scientifique est le donanemeb, s'attaque à des plaques dites amyloïdes se trouvant dans le cerveau de patients atteints d'Alzheimer. Il appartient à une nouvelle catégorie de traitements basés sur l'immunothérapie.

Mise en garde sur les effets secondaires

Lors d'essais cliniques, le donanemab a ralenti la progression de cette maladie dégénérative, tout en provoquant de graves effets secondaires chez certains patients, notamment des hémorragies cérébrales, pouvant aller jusqu'au décès.

"Il ne faut surtout pas laisser croire que les personnes vont être soignées. Au mieux, les symptômes de la maladie vont être réduits mais le bénéfice clinique est très faible avec un risque d'effets secondaires qui n'est pas négligeable", a déclaré auprès de BFMTV.com Marc Dhenain, chercheur spécialiste des maladies dégénératives au CNRS.

Teresa Buracchio, directrice du bureau des neurosciences de la FDA, a elle assuré que "les données cliniques ont montré, de façon convaincante, que Kisunla réduisait la vitesse de déclin cognitif et fonctionnel chez les patients présentant des symptômes modérés de perte cognitive et de démence sénile liés à la maladie".

Une vision qui n'est pas partagée par Michael Greicius, neurologue à la faculté de médecine de l'université de Stanford. "Il n'y a aucune corrélation dans aucune de leurs études entre l'élimination des plaques amyloïdes et la réponse clinique chez les sujets individuels", a-t-il remarqué dans les colonnes du New York Times.

"Il y a toutefois un bénéfice pour les aidants, a tempéré Marc Dhenain. Ils disent que leur vie est plus facile quand les personnes ont été traitées."

L'espoir de nouvelles thérapies

L'agence américaine avait déjà approuvé, en juillet 2023, un autre traitement fonctionnant sur le même principe, commercialisé sous le nom de Leqembi (molécule lecanemab) et développé par les laboratoires Esai et Biogen.

Alors que près d'un million de personnes souffre de la maladie d'Alzheimer en France, ces traitements - même s'ils doivent au préalable être approuvés par l'Agence européenne des médicaments - pourraient bien être mis sur le marché français dans les prochains mois. "Mais ils sont assez lourds, a constaté Marc Dhenain. Il faudrait déployer d'importantes infrastructures dans les hôpitaux, ce qui est compliqué à mettre en œuvre rapidement et à grande échelle."

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Le chercheur du CNRS a tout de même salué "l'accélération de la recherche" observée ces dernières années, insistant sur "la connaissance de la maladie". "En 10 ou 20 ans, certaines hypothèses se sont avérées en partie fausses", a-t-il constaté.

Il a alors pris l'exemple d'une étude du CNRS publiée en juin dans Molecular Psychiatry selon laquelle une protéine modifiée protégerait le cerveau de la maladie, d'après les résultats d'une étude sur des souris.

"Ce résultat pourrait ainsi être le point de départ d’une nouvelle catégorie de thérapies préventives pour traiter les personnes atteintes de maladies neurodégénératives à des stades précoces et bloquer l’évolution de la pathologie", avait communiqué le CNRS.

Et Marc Dhenain d'ajouter: "Si on choisit la bonne protéine, on peut avoir une réaction en chaîne positive avec de nouveaux concepts et l'émergence de nouvelles pistes de thérapie."

Théo Putavy avec AFP