"Vous enfilez les mensonges comme les perles": Éric Dupond-Moretti tance Marine Le Pen à l'Assemblée

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti lors d'une session de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 8 décembre 2020 - Thomas SAMSON © 2019 AFP
Les députés ont commencé à examiner jeudi le projet de loi portant la réforme de la justice pénale des mineurs. Un projet de loi qui vise à remplacer l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, tout en conservant les principes qui y sont consacrés tels que la primauté de l'éducatif, l'atténuation de la peine et la spécialisation des acteurs, a rappelé Éric Dupond-Moretti, présent dans l'hémicycle.
Une présence qui a occasionné une vive passe d'armes entre le garde des Sceaux et la présidente du Rassemblement national (RN). À l'instar du groupe Les Républicains (LR), qui a annoncé qu'il voterait ce texte, les députés (non-inscrits) du RN ont fait savoir qu'ils feraient de même, par la voix de Marine Le Pen, tout en défendant des mesures supplémentaires:
"Nous voterons donc ce texte, tout en sachant que sans changement radical d'orientation politique, cette boîte à outils prendra la poussière, ce qui risque d'empirer hélas la délinquance des mineurs", a déclaré Marine Le Pen.
"Le mensonge du matin"
Des propos qui ont fortement déplu au ministre de la Justice, qui a vertement répliqué à la députée de la onzième circonscription du Pas-de-Calais.
"Quel privilège pour moi de vous entendre enfin", a-t-il ironisé. "Voilà bientôt six mois que je suis garde des Sceaux, je vous ai vue quelques minutes à chaque QAG [Questions au gouvernement, NDLR]. Vous dites ce matin pour critiquer la politique du gouvernement en matière sanitaire que vous ne comprenez pas les décisions prises pour les sports d'hiver [sur France Inter, NDLR] alors que nous passons ensemble des journées côte à côte au Parlement. À vrai dire, je vous y ai peu vue. C'était le mensonge du matin", a rétorqué Éric Dupond-Moretti.
Le ministre de la Justice a également accusé la finaliste de l'élection présidentielle de 2017 de mentir sur les chiffres.
"Il y a les mensonges du matin et il y a ceux de cet après-midi, vous les enfilez comme les perles. Sur les chiffres, vous mentez. Les chiffres de la récidive, vous pouvez les égrener, là encore, et vos électeurs sont sans doute attentifs et gourmands de cela, mais vous mentez, Madame. Ceux sur la délinquance ne sont pas les bons, ceux sur la récidive ne sont pas les bons, nous le savons ici. Si vous aviez été présente ce matin, déjà ils ont été évoqués à de nombreuses reprises. Votre programme, grosso modo, c'est la prison de 7 à 77 ans", a-t-il tancé.
Éric Dupond-Moretti a également profité de la tribune offerte au Palais-Bourbon pour revenir sur une critique que lui avait adressée Marine Le Pen en septembre dernier. "C'est Taubira en pire", avait-elle taclé à son endroit lors de sa rentrée politique depuis Fréjus, dans le Var.
"Vous m'avez comparé à Mme Taubira 'en pire', avez-vous dit, 'en pire'. Ce qui fait que quand j'ai reçu madame Taubira à la chancellerie, je l'ai appelée madame Dupond-Moretti en mieux", a répliqué le ministre de la Justice.
Un précédent mercredi
Mercredi, dans le même hémicycle et en l'absence de Marine Le Pen, Éric Dupond-Moretti s'était déjà emporté contre le RN et ses positions en matière de justice et de sécurité, après le dépôt d'un amendement par Marine Le Pen réclamant que les peines de réclusion à perpétuité soient exécutées dans leur intégralité, sauf exception spéciale décidée par un tribunal, soumis dans le cadre d'un projet de loi sur la création d'un parquet européen et d'autres dispositions judiciaires.
En l'absence de Marine Le Pen mercredi, c'est la députée RN Catherine Pujol qui a défendu cet amendement. Éric Dupond-Moretti avait dénoncé "du populisme à l'état pur" pour flatter les "bas instincts" et faire son "beurre électoral". Le ministre avait également dit "rêver de répondre à Madame Le Pen, mais elle ne vient que cinq minutes par semaine à l'Assemblée nationale".
Catherine Pujol avait ensuite repris la parole pour répondre qu'elle-même et son parti étaient hostiles à la peine de mort. "Quant à Mme Le Pen, si vous avez quelque chose à lui dire, allez le lui dire vous-même", a-t-elle ajouté. À cet égard, c'est désormais chose faite.