Vers une réforme du calcul des retraites pour les fonctionnaires ?

Les syndicats estiment que changer le mode de calcul pour les fonctionnaires leur ferait perdre jusqu'à 20% de leurs pensions. - -
C'est l'une des pistes les plus explosives du rapport Moreau sur les retraites remis vendredi au gouvernement : une réforme du mode de calcul des retraites des fonctionnaires, et déjà un casus belli pour la CGT, FO et l'Unsa.
La retraite des fonctionnaires est aujourd'hui basée sur les 6 derniers mois de salaire, hors primes et indemnités, contre les 25 meilleures années pour le privé. Le rapport envisage un calcul sur une période plus longue pour les fonctionnaires, en faisant la moyenne des traitements sur 3 à 10 ans. L'allongement de la durée de cotisation pour tous les salariés devrait aussi être étudié.
Le gouvernement a de toute façon déjà indiqué que tous les Français seront mis à contribution pour cette réforme. La conférence sociale avec les partenaires sociaux aura lieu les 20 et 21 juin, suivie par une concertation avec les syndicats et le patronat aura lieu durant l’été. Le projet de loi devrait être présenté en septembre.
« Un héritage du passé »
Pour l’économiste au Conservatoire national des arts et métiers Michel Godet, il est temps de remettre tout le monde au même niveau. « Il n’y a pas de raison que les gens du privé aient des retraites calculées de façon plus défavorables que celles du public », juge-t-il. « Les pensions dans le privé sont inférieures de 400 euros à celles du public. C’est un héritage du passé, les retraites des fonctionnaires coûtent 50 milliards d’euros par an, il n’y a plus un sou dans la caisse. Le seul moyen de trouver l’argent, c’est de baisser les pensions de chacun. Ce qui serait normal, c’est qu’il n’y ait qu’un seul traitement des Français, en fonction du nombre d’années de travail. On a un système très inégalitaire, il faut que ça cesse ».
« Ce serait très pénalisant »
Mais Guy Barbier, le secrétaire général de l'UNSA Fonction Publique, ne voit pas les choses du même œil. Car les inégalités existent bel et bien, rappelle-t-il, mais pas forcément dans le sens qu’on imagine. « Les deux systèmes ne sont pas fabriqués de la même manière. La carrière d’un fonctionnaire est une carrière linéaire, on commence à un salaire souvent très bas, il peut monter de façon extrêmement faible. Si on prenait aujourd’hui les dix meilleures années, on aboutirait à une baisse des pensions des fonctionnaires de 15 à 20%. Ce serait très pénalisant. Plus les fonctionnaires sont modestes au niveau de leurs revenus, plus ils seraient perdants ».
« Supprimer tous les régimes spéciaux »
Cet avis est partagé par le secrétaire général CGT Fonction publique, Jean-Marc Canon, invité ce lundi matin sur RMC. Selon lui, « le débat qui doit être mis sur la table est celui de la pénibilité », qui peut faire varier l’âge de départ. Mais, rappelle-t-il, « il n’y a pas vraiment d’écart entre public et privé ». Changer le mode de calcul serait donc « un casus belli ».
Pour le député PS Jean-Marie Le Guen, lui aussi invité chez Jean-Jacques Bourdin, la réforme est en revanche urgente, puisque « tous les cas de régimes spéciaux ne sont pas justifiés ». Lui aussi souhaite « poser le problème de la pénibilité », mais envisage plutôt des compensations (RTT, etc.) plutôt que des avantages sur le calcul des retraites. Et pour mener cette réforme, pas de problème à se mettre tous ensemble, estime-t-il : « C’est un sujet qui nous concerne tous. Je crois que sur ce sujet, comme sur d’autres, nous devrions prendre la possibilité d’avoir un dialogue rationnel, c’est l’intérêt national ».
Quelques minutes plus tard, toujours sur RMC, le député UMP Bruno Le Maire lui répondait : « Travailler avec le PS ? Pourquoi pas, si on ne touche pas aux montants des pensions des retraites actuelles. Je voterai le texte du gouvernement s’il reprend tous ces points », a-t-il précisé, appelant aussi à « supprimer tous les régimes spéciaux », sans exception, aussi bien ceux des élus que ceux du public.