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"Une honte pour la démocratie": les oppositions fustigent l'utilisation du 49.3 pour la réforme des retraites

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Un conseil des ministres a été convoqué ce jeudi, afin d'utiliser le 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, une décision fustigée par les oppositions et notamment à gauche.

"Ce gouvernement n'est pas digne de notre Ve République" a fustigé le patron du parti communiste français Fabien Roussel jeudi après l'annonce par le gouvernement de l'usage du 49.3. "C'est une honte pour la démocratie", a-t-il encore regretté lors d'un point presse à l'Assemblée nationale, après le déclenchement par le gouvernement du 49.3, face au vote de la réforme des retraites.

Selon lui, le Parlement a été "jusqu'au bout bafoué et humilié", avec des députés "qui ne peuvent même pas voter" une réforme "aussi importante" que celle des retraites.

"Échec total du gouvernement"

Le député écologiste Julien Bayou s'est lui dit "scandalisé" au micro de BFMTV, déplorant "l'entêtement du président Macron", prêt à "brutaliser le pays (...) et tout 'foutre en l'air' pour son ego personnel". Le chef du Parti socialiste Olivier Faure a lui dénoncé les "caprices" du président.

Ce choix de recourir au 49.3 constitue "un constat d'échec total du gouvernement", a renchéri la patronne du Rassemblement national Marine Le Pen. "C'est la réforme d'Emmanuel Macron, c'est son échec personnel", a-t-elle encore déclaré aux journalistes.

Selon elle, il faut qu'Élisabeth Borne "parte". "Le fait de rester serait considéré comme une gifle supplémentaire" aux Français, affirme-t-elle.

"Aucune légitimité"

Ce processus prévu par la Constitution illustre, pour le président des Républicains Éric Ciotti, "une crise de la démocratie". "Le gouvernement a gâché cette réforme", qui était pour lui "nécessaire", mais le texte aurait dû être mis au vote.

En l'absence de vote à l'Assemblée nationale du fait du recours au 49.3, le texte de la réforme n'a "aucune légitimité parlementaire" pour l'ancien leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. Le texte a été adopté par le Sénat, "et seulement par le Sénat", pas par les Français, selon lui.

Et ce passage en force illustre, selon lui, "l'effondrement de la minorité présidentielle". Mais Jean-Luc Mélenchon se veut rassurant: l'opposition a "de bonnes chances d'avoir le dernier mot".

"Même à l'Assemblée, même avec des marchandages, même avec du bricolage, on voit qu'ils ont perdu pied", a déclaré au sujet du gouvernement le député insoumis François Ruffin depuis l'Assemblée nationale.

Dans ses propres rangs, la décision du gouvernement a pu étonner. Le député Renaissance Éric Bothorel a jugé, dans un tweet, que le gouvernement aurait "dû aller au vote". "Nous devions ça à nos oppositions, à ceux qui jusque là ont manifesté leur désaccord avec la réforme", a-t-il expliqué. "Défaite ou victoire au vote, la démocratie aurait parlé", selon lui.

"Brutalité"

"La brutalité avec laquelle cette réforme a été imposée au forceps aux parlementaires est dure pour tout le monde" et notamment pour les manifestants, a insisté Fabien Roussel, avant d'annoncer la poursuite des mobilisations "par toutes les formes que ce soit". "Je comprends la colère des Français", a renchéri Marine Le Pen. Le gouvernement "ne veut pas respecter la volonté du peuple", ni celle de ses représentants, regrette-t-elle.

Et la contestation sociale "risque de s'envenimer" dans la rue, anticipe la présidente du groupe Rassemblement national à l'Assemblée .

Les députés opposés à la réforme ont "encore l’espoir dans les semaines et les mois qui viennent de pouvoir battre cette réforme, quel que soit le vote, quelles que soient les humiliations que le président de la République aura infligé au Parlement", assure Fabien Roussel.

Pointant une volonté de "piétiner les institutions", le député Julien Bayou s'est plaint de ne pas pouvoir, depuis des mois, "travailler correctement", les députés de l'opposition étant empêchés par le gouvernement.

Motion de censure transpartisane

"Nous déposerons une motion et nous voterons l'ensemble" de celles qui peuvent être déposées, a indiqué la présidente du groupe Rassemblement national, face à cette "situation de crise politique de fait".

Pour Julien Bayou, qui affirme qu'une motion de censure "transpartisane" a été préparée et devrait être déposée ce vendredi, "c'est peut-être la première fois qu'une motion de censure peut faire tomber le gouvernement".

"Ils sont prêts à mettre le pays à feu et à sang, pourquoi? Pour l'ego du président", a déploré Julien Bayou.

Dans la perspective de cette motion de censure, il appelle les députés Les Républicains, divisés au sujet du vote de la réforme des retraites, à l'adopter eux aussi. Ce que pourraient faire "très probablement" plusieurs d'entre eux, selon le député LR Pierre-Henri Dumont.

Mais Éric Ciotti a d'ores et déjà annoncé que LR ne votera "aucune motion de censure". Une décision "majoritaire, très majoritaire" au sein du groupe. Un propos toutefois nuancé par Aurélien Pradié, qui indique que si le groupe ne déposera pas de motion de censure, "chaque député reste totalement libre d'aller participer" à une autre.

Pour l'instant, la réforme des retraites est donc adoptée, sauf en cas d'adoption d'une motion de censure, lundi.

Marine Ledoux