BFMTV
Politique

UMP: en quête d’identité, Fillon se radicalise sur l'immigration

François Fillon a présenté ce vendredi ses propositions sur le thème de l'immigration (photo d'illustration).

François Fillon a présenté ce vendredi ses propositions sur le thème de l'immigration (photo d'illustration). - Kenzo Tribouillard - AFP

Déstabilisé par l'affaire qui l'oppose à Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire général de l'Elysée, François Fillon a présenté vendredi ses propositions en matière d'immigration. Des idées radicales, qui illustrent les tensions qui animent l'UMP à l'approche de la primaire pour 2017.

Il durcit le ton. François Fillon a présenté vendredi à Menton, dans les Alpes-Maritimes, ses propositions sur le thème de l’immigration pour la primaire UMP. Quotas répartis selon l’origine des migrants, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) ou encore réduction de l’accès aux prestations sociales. Les grandes lignes ont déjà été posées. Dans une interview accordée au Figaro Magazine, le candidat à la primaire de l’UMP, d'habitude mesuré, initie soudainement un discours bien plus radical.

"Les statistiques sur l’origine, il est le seul à ma connaissance à proposer ça. Idem pour l’intégration de la politique d’immigration dans la Constitution", constate le politologue Thomas Guénolé. "Les propositions de Fillon, c’est du Sarkozy, mais en plus dur".

A la frontière de l'extrême droite

Pour ces primaires, l'immigration a fait irruption dans la campagne avec la même force que lors de la présidentielle de 2012. Le 21 octobre, l’ex-président de la république affirmait lors d’un discours à Nice que "l’immigration ne d[evait] pas être un sujet tabou, mais un sujet majeur, car cela menace notre façon de vivre". S'il ne veut pas en faire une politique d'Etat comme le veut François FIllon, Nicolas Sarkozy a lui aussi évoqué la suppression de l’AME, lors de son discours à Marseille, le 28 octobre. Une mesure qu’il défendait pourtant lorsqu’il était au pouvoir.

Lui aussi candidat à la primaire de l’UMP, Xavier Bertrand veut suivre lui aussi une ligne dure. Dans un entretien au Figaro, le député de l’Aisne a même rappelé que s’il était élu, il organiserait un référendum en 2017 "sur la question de l’immigration, comme de la nationalité". Un débat qui amène les trois candidats à la frontière de l’extrême droite, sur des sujets longtemps défendus par le Front national.

L’exemple de l’AME en témoigne: jusqu’alors, seul le FN prônait sa suppression. Désormais, trois des candidats à la primaire de l’UMP veulent mettre un terme à cette aide, qui permet aux sans-papiers de se faire soigner gratuitement. 

La radicalisation, une tendance?

"On observe une tension plus forte que par le passé sur le thème de l’immigration chez les électeurs UMP", explique Jean-Daniel Lévy, directeur du département "politique et opinion" à l’institut de sondage Harris Interactive. "Les électeurs attendent vraiment les candidats sur ce thème".

Alors forcément, l'heure est à la surenchère. Chaque candidat aborde le thème et se radicalise au fil des discours sur cette question. Même Alain Juppé, pourtant plus modéré sur ce thème, y passe. Après avoir affirmé dans un livre publié en septembre 2014 que l’immigration "est source d’une diversité qui enrichit notre patrimoine culturel, gastronomique, économique", il demande aujourd'hui une "politique très ferme" pour "lutter efficacement contre l’immigration clandestine".

La radicalisation est-elle devenue une tendance à l’UMP? Pas tout à fait. Thomas Guénolé préfère employer le mot "tension". "Cette tension, pour ou contre Nicolas Sarkozy, a été appelée 'ligne Buisson'. C’est la ligne de lepénisation", explique-t-il. "Elle coupe l’UMP en deux. 50% des électeurs UMP sont prêts à s’allier au FN, 50% non".

Une stratégie peu payante

En 2012, François Fillon faisait partie de ceux qui n’excluaient pas d’appeler à voter Front national. Les primaires pour la présidentielle de 2017 le révèlent finalement moins modéré que Nicolas Sarkozy, symbole de cette tension au sein de l’UMP. "Il essaye de doubler Nicolas Sarkozy, alors que celui-ci se trouve à une feuille de cigarette de l’électorat FN", analyse Thomas Guénolé, qui estime que l'ex-Premier ministre a toujours été plus radical que Nicolas Sarkozy. "François Fillon tente de le déborder par la radicalisation alors qu’Alain Juppé le fait par la modération".

Le politologue estime que cette stratégie ne peut être payante. "Alain Juppé représente seul l’électorat de droite et du centre ouvert sur les sujets de société, la ligne modérée. C’est ce qui explique qu’il pèse à lui seul plus de 40% des intentions de vote". François Fillon, lui, n’en représente que 5%.

Aude Deraedt