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Terrorisme: la gauche divisée sur la déchéance de nationalité 

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Le gouvernement souhaite inscrire dans la Constitution un élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France. Une proposition qui divise au sein du Parti socialiste et de toute la gauche.

Elargir la déchéance de nationalité aux binationaux condamnés pour acte de terrorisme est l'une des propositions formulée par l'exécutif après les attentats du 13 novembre. La loi actuelle permet une telle sanction, mais uniquement lorsqu'ils ont été naturalisés Français dans les quinze ans précédant une condamnation pour un acte terroriste. Mais le gouvernement veut renforcer cette loi aux binationaux nés en France. 

Au Parti socialiste, cette mesure suscite un "débat profond" a admis Bruno Le Roux, le chef de file des députés PS. Invitée de BFMTV-RMC jeudi matin, Martine Aubry s'est interrogée sur un traitement différencié des Français en cas d'application de cette mesure. 

"Deux personnes qui sont nées dans les mêmes conditions, en France, et qui par le droit du sol, sont effectivement Françaises, (mais qui) pour certaines ont gardé une autre nationalité (...), doit-on les traiter différemment? Doit-on avoir une suspicion envers ceux dont les parents viennent d'ailleurs?" 

Au Parti communiste (PCF), Pierre Laurent fait la même remarque tout en s'affirmant "opposé" à cette révision qui "ouvre une voie très grave" selon lui. Le secrétaire national du PCF estime que deux citoyens "ne sont plus égaux devant la loi". Au Front de Gauche, André Chassagne jugeait cette question "d'une extrême gravité". 

"Un cadeau idéologique au FN"

L'élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux est aussi largement marquée à droite puisque la mesure a été défendue par le Front national puis par Les Républicains. 

Le député PS Pascal Cherki a assuré: "je ne voterai pas une révision constitutionnelle qui inclurait la déchéance de nationalité. Cela fait 30 ans que la gauche est contre cela, c'est un cadeau idéologique au FN". 

Même discours chez Anne Hidalgo qui s'est dite "très opposée" à cette mesure. Pour la maire PS de Paris "c'est un autre sujet, ça ne fait pas partie de mes valeurs et donc je ne me reconnaîtrais absolument pas dans ce type de démarche". 

Au PS, "peut-être sujet à malaise"

Du côté du parti de l'exécutif, Bruno Le Roux avance que les députés PS n'ont pas de posture commune. Il y a un "débat profond" assure le chef de file des élus socialistes. "Il y a des députés qui demandent à être convaincus de l'intérêt de la mesure, et donc il y a une discussion", a-t-il ajouté ce jeudi. 

"A l'évidence, c'est un débat de fond, cela touche à des principes de la République, cela touche à des principes qui ont failli être foulés sous d'autres majorités: on a failli revenir sur le droit du sol, donc à l'évidence, tout ce qui touche à la nationalité est aujourd'hui sujet à discussion, peut-être sujet à malaise", a dit le député de Seine-Saint-Denis.

Le chef de file des députés PS a insisté sur le fait que la mesure n'avait pour "vecteur d'intervention que les actes de terrorisme", estimant que "la moindre stigmatisation est à écarter".

La gauche "pire que la droite"

Chez les écologistes, Noël Mamère se dit stupéfait. "Jamais je n'imaginais que la gauche serait prête à faire pire que la droite et qu'elle aille aussi loin dans la restriction de nos libertés et dans la construction d'un Etat policier et d'un état d'urgence permanent". 

C'est maintenant au Conseil d'Etat de se prononcer sur cette mesure, qui n'est qu'un point des propositions de l'Exécutif. Son avis est attendu dans deux semaines. Selon un récent sondage, 94% des Français se disent pour la déchéance de nationale aux binationaux condamnés pour terrorisme. 

Mélanie Longuet avec AFP