Présidentielle: Emmanuel Macron fait-il vraiment campagne avec "le carnet de chèque" de la France ?

Le président français Emmanuel Macron (droite) avec des habitants de Saint-Leonard de Noblat, dans le centre de la France, le 25 janvier 2022 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Marseille, Roubaix, Saint-Étienne, Béziers, Lens... Depuis la rentrée de septembre, les déplacements d'Emmanuel Macron s'enchaînent, tout comme les annonces souvent chiffrées, alors que le chef de l'État n'a toujours pas officiellement déclaré sa candidature.
Ces visites ne sont "pas loin du détournement de fonds publics", juge sévèrement Christian Jacob dans les colonnes du Figaro. Le patron des Républicains a d'ailleurs saisi le 11 janvier dernier la commission des comptes de campagne.
"Je souhaiterais connaître les modalités des contrôles opérés" par la commission, dans le cadre de la présidentielle, "pour s’assurer que l'utilisation des moyens publics est bien conforme à la réglementation", écrit encore le député dans une lettre révélée par Le Point.
Des déplacements dans 26 départements
Nous nous sommes penchés sur la carte des déambulations du président sur le territoire ces deux derniers mois et scruté les annonces qu'il a pu faire. Le président de la République a-t-il multiplié les annonces de financement avant son entrée en campagne? Éléments de réponse.
Depuis le mois de septembre, Emmanuel Macron s'est déplacé dans 26 déplacements comme le montre la carte de ses déambulations dans les 4 coins de l'Hexagone.
Ces visites se sont bien souvent soldées par des annonces sonnantes et trébuchantes.
1,5 milliards d'euros à Marseille en septembre pour un vaste plan d'investissement, à Roubaix, une dizaine de jours plus tard, 500 millions aux policiers dans le cadre du Beauvau de la sécurité, fin septembre 600 millions d'euros pour les agriculteurs dans les Hautes-Alpes suivi par un déplacement dans l'Hérault pour la démocratie avec à la clef 30 millions d'euros puis 15 millions d'euros en Haute-Saône pour les refuges animaliers...
25 milliards d'euros d'annonces
À l'automne, même constat. Saint-Étienne reçoit la visite du président qui ne vient pas les mains vides: 800 millions d'euros dans un plan en faveur du développement de la robotique ainsi que 400 millions d'euros pour transformer des friches industrielles, Béziers, Nice... Ce tour de France se conclut (pour l'instant) à Lens avec le versement par l'Etat de 100 millions d'euros pour accélerer la réindustrialisation du bassin minier.
La facture totale de la liste de ces déplacements qui donnent le tournis s'élèvent à plus de 25 milliards d'euros depuis le mois de septembre.
"Cramer la caisse"
Du côté des oppositions, les critiques sont fortes. Valérie Pécresse, alors en campagne pour gagner le congrès des LR, accuse ainsi Emmanuel Macron de "cramer la caisse" le 17 septembre sur BFMTV.
"M. Macron est si conscient que son bilan est désastreux qu’il s’est lancé dans une politique de distribution de chèques sans provision ces dernières semaines, croyant acheter le vote des Français", lance de son côté Xavier Bertrand dans Valeurs actuelles.
Marine Le Pen partage le constat. "Je trouve cette matière de faire déloyale, d’être candidat tout en mettant le dossard du candidat et sortant le carnet de chèque de la république", a ainsi jugé la candidate du RN ce mardi au micro de BFMTV.
"Il faudrait ne plus rien faire ?"
Du côté de l'exécutif, on assume. "Un an avant l’élection présidentielle, il faudrait s’arrêter d’agir, ne plus rien faire ? Ce n’est pas notre conception des choses", affirme ainsi Gabriel Attal sur Franceinfo le 15 octobre.
"On ne crame pas la caisse, on évite de cramer l’économie", explique de son côté Roland Lescure, le président de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur la même radio, en guise de justification.
Il faut dire que les critiques de ce type à la veille de la présidentielle ne sont pas nouvelles.
Des accusations similaires pour Nicolas Sarkozy
L'un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy avait subi les même accusations en 2012. Cette année-là, ce ne sont pas tant les annonces du président qui font débat que le coût de ses déplacements dans la France entière. En janvier 2012, 3 mois avant le premier tour, il multiplie les discours dans différentes salles de l'Hexagone comme au Zénith de Toulon.
Le dispositif ressemble en tout point à des meetings pour un montant moyen d'environ 325.000 euros par ville visitée, rapporte Le Monde. Il faut dire que l'ancien président avait tenté le même pari qu'Emmanuel Macron en choisissant de se déclarer très tardivement, seulement 67 jours avant le premier tour.
Le Parti socialiste avait saisi la Commission nationale des comptes de campagne pour dénoncer l’utilisation des "moyens de l'État" à des fins électorales. Du côté de l'Elysée interrogé par des journalistes sur le sujet, on arguait du refus de répondre.
Quelques mois plus tard, la Commission rejettait les comptes du candidat, décidant notamment de réincorporer les frais de son meeting à Toulon.