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"Une situation compliquée": Léa Salamé pourra-t-elle continuer à présenter le 20 heures de France 2 si Raphaël Glucksmann est candidat en 2027?

La journaliste Léa Salamé, ici photographiée en septembre 2019.

La journaliste Léa Salamé, ici photographiée en septembre 2019. - JACQUES DEMARTHON

La journaliste a annoncé ce 19 juin prendre les rênes du journal télévisé de France 2. Une arrivée qui pose question alors que Léa Salamé est également la compagne du patron de Place publique. Si Raphaël Glucksmann se lance dans le grand bain de la présidentielle, son retrait de l'antenne pourrait bien se poser.

Une arrivée surprise qui pourrait vite tourner au casse-tête. La journaliste Léa Salamé a annoncé ce jeudi matin quitter la matinale de France Inter pour prendre la tête du journal de France 2.

Mais son arrivée dans cette tranche parmi les plus exposées de France pose la question de son avenir médiatique si son compagnon, le patron de Place publique Raphaël Glucksmann, se lançait dans la course à la présidentielle.

"C'est évidemment une situation compliquée et c'est certain que France Télévisions et Léa Salamé en ont parlé au cours de leurs échanges", décrypte le journaliste Nicolas Poincaré, ancien présentateur de Complément d'enquête sur France 2.

Silence dans les deux camps

Dans les couloirs de la télévision publique, l'heure est à l'embarras et pas grand-monde ne se presse pour évoquer la crainte d'un mélange des genres. Même topo du côté de l'entourage de Raphaël Gluscksmann. "Je ne ferai pas de commentaire", explique par exemple le seul député du mouvement à l'Assemblée, l'ex-ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

Officiellement pourtant, rien ne change. L'eurodéputé, régulièrement testé dans les sondages entre 7 et 10% des intentions de vote au premier tour, présentera ainsi ce lundi son projet "pour la France".

Si le philosophe n'est pas encore rentré dans le grand bain, il envoie régulièrement des cartes postales à la gauche, montrant qu'il a des fourmis dans les jambes. Soucieux de capitaliser sur son bon score aux élections européennes (13,8%) qui lui a permis de se classer troisième, Raphaël Glucksmann refuse de participer à une primaire de la gauche qu'il juge "mortifère" comme il l'a expliqué en avril sur BFMTV.

"Elle croit quand même très tièdement à ses chances"

Et tant pis si au lendemain de la dissolution, il n'est pas parvenu à être autour de la table des négociations pour créer le Nouveau Front populaire. Raphaël Glucksmann croit toujours en sa bonne étoile et se prépare pour la préidentielle.

"Moi, je me dis que ça veut dire que Léa Salamé croit quand même très tièdement à ses chances en 2027", lâche en riant un député socialiste qui ne l'apprécie guère.

En attendant, la situation serait inédite: jamais jusqu'ici un candidat dans la course à l'Élysée n'était en couple à la ville avec une journaliste amenée sur le papier à pouvoir l'interviewer dans un journal télévisé.

La "jurisprudence Anne Sinclair"

Les précédents plaident plutôt pour un arrêt temporaire de Léa Salamé à la présentation. Béatrice Schönberg, alors présentatrice du JT de France 2, avait été mise en retrait pendant la campagne présidentielle de 2007. Son mari, Jean-Louis Borloo, faisait alors partie de l'équipe de Nicolas Sarkozy, avant de devenir ministre de l'Écologie. La présentatrice avait dans la foulée réintégré son poste.

En novembre 2021, c'est Thomas Sotto qui avait dû se retirer des interviews politiques de Télématin sur France 2 en raison de sa relation amoureuse avec Mayada Boulos, en charge de la communication du Premier ministre Jean Castex.

En 2011, c'est Audrey Pulvar, alors en couple avec Arnaud Montebourg, candidat à la primaire socialiste, qui se voit retirer son émission sur I-Télé (l'ancien nom de C-News NDLR) et son interview sur France Inter.

"Tout ça, c'est la jurisprudence Anne Sinclair. Mais l'époque a quand même beaucoup changé. Je ne vois vraiment pas Léa Salamé se retirer de son JT. Ce n'est pas son caractère de s'effacer", décrypte une journaliste qui a un temps travaillé avec elle.

En 1997, Anne Sinclair avait cessé de présenter le magazine 7 sur 7 sur TF1 après l'entrée de son époux de l'époque Dominique Strauss-Kahn dans le gouvernement de Lionel Jospin.

Un retrait pas si évident

Léa Salamé s'était d'ailleurs elle-même mise en retrait lors de la campagne des européennes en 2019 puis en 2024 de la matinale de France Inter, à chaque fois quelques semaines seulement avant le vote des électeurs.

"Si Raphaël Glucksmann est candidat, elle se mettra à nouveau en retrait à ce moment-là du JT de France 2. C'est assez simple", juge d'ailleurs Arlette Chabot, ancienne directrice adjointe de la rédaction de France 2.

À voir. L'intérêt suscité par une campagne présidentielle n'a aucune commune mesure avec les européennes, sans compter que Raphaël Glucksmann devrait chercher à se démultiplier dans les médias bien avant son entrée officielle en campagne s'il décide effectivement de se lancer dans la conquête de l'Élysée.

Autres options

La solution pourrait être celle d'éviter toutes les interviews politiques pendant la tranche présentée par Léa Salamé ou de faire appel à un autre journaliste pour les mener à sa place pendant les quelques minutes nécessaires.

"On l'a un peu oublié mais il y a encore une quinzaine d'années, on avait très peu de politiques qui venaient sur les plateaux des JT. C'était vraiment quelque chose d'exceptionnel et seulement quand il y avait un très gros évènement", observe un bon connaisseur des médias.

France 2 fera-t-il donc le choix de sacrifier la venue de figures politiques dans sa plus grosse tranche horaire de la journée? La chaîne pourrait aussi décider à l'approche de la présidentielle de réserver les interviews des candidats à une seule émission politique ou au contraire de réserver une courte tranche d'interview avant ou après le journal pour en faire un rendez-vous quotidien.

Marie-Pierre Bourgeois