Loi Macron: la revanche des députés "frondeurs"

Benoît Hamon, député PS des Yvelines, sur les bancs de l'Assemblée nationale, le 17 février. - Patrick Kovarik - AFP
Des déclarations fracassantes aux abstentions, voire à quelques votes contre, jamais les députés "frondeurs" n'avaient autant pesé sur les choix de l'exécutif. Mardi, face à la crainte de voir le projet de loi Macron retoqué, Manuel Valls a engagé la responsabilité de son gouvernement en ayant recours à l'article 49-3 pour passer en force face à l'Assemblée nationale.
On le sait depuis quelques semaines, les "frondeurs" socialistes, "plusieurs dizaines" selon l'un d'entre eux, sont vent debout contre cette loi, qu'ils jugent trop libérale. Mais depuis le mois de janvier et les attentats en région parisienne dont a découlé un mouvement d'unité nationale, cette farouche opposition des députés de gauche ne se faisait plus entendre.
"Le gouvernement avait l'impression que tout le monde était rentré dans le rang", constate Eddy Fougier, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), joint par BFMTV.com.
Un optimisme surestimé
A la fin du mois de janvier, Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, l'assurait: la fronde n'a "plus la même écoute au groupe PS", "la période n'est plus la même". Le Premier ministre lui aussi surfait sur l'unité post-attentats. "L'exigence des Français c'est que nous nous comportions autrement, pas comme avant (…) Tout ça est balayé par les événements que nous connaissons", insistait Manuel Valls.
"Depuis l'entrée de Manuel Valls à Matignon, la fronde ne menaçait pas la majorité. Pour la loi Macron, il y avait même un certain optimisme car quelques députés UDI, voire des députés UMP, ont laissé penser qu'ils étaient prêts à voter ce texte", commente Eddy Fougier. Pourtant, le gouvernement, qui a fait preuve d'un optimisme surestimé, aurait pu envisager la tournure des événements de mardi.
Le Congrès de Poitiers en ligne de mire
La présence de plusieurs députés "frondeurs" lors d'un meeting de Syriza, le parti populaire victorieux en Grèce, aux côtés du communiste Pierre Laurent ou de Jean-Luc Mélenchon, était un signe. "Il y a l'idée qu'avec Syriza en Grèce et Podemos en Espagne qui grimpe, le vent est en train de tourner en Europe", détaille le politologue. "En attendant de pouvoir s'opposer au tournant mi-social, mi-libéral incarné par Emmanuel Macron, les frondeurs fourbissaient leurs armes".
S'opposer à certains articles de ce texte était donc l'occasion rêvée pour les frondeurs de revenir sur le devant de la scène. Plus qu'un débat sur cette loi, cette opposition à la loi Macron, visant à fragiliser le gouvernement, a pour but de peser sur le Congrès du Parti socialiste qui se tiendra en juin. "Ils doivent mesurer leur force", analyse le chercheur de l'Iris. "Et cela pour arriver en meilleure posture en juin avec l'idée de placer leur candidat, Benoît Hamon peut-être, ou pour avoir un poids sur les primaires".
Une position peu audible pour les Français
A "prendre le risque de rompre l'unité" et préférer "un PS à genoux que l'unité de tous", comme le scande le porte-parole du gouvernement, les frondeurs pourraient bien ne plus trouver leur place lors du Congrès de Poitiers. "Celui qui voterait la censure (une motion a été déposée par la droite, Ndlr) n'a plus sa place au Parti socialiste", a prévenu Stéphane Le Foll sur Europe 1 mercredi matin.
Plus de place au Parti socialiste et un isolement dans le paysage politique? Le risque est bien présent, alors que les Français se sont prononcés en majorité pour les mesures de la loi Macron. "Je n'ai pas le sentiment que leur discours soit audible", juge Eddy Fougier. Avant de conclure: "Les Français veulent juste une politique qui marche, ils veulent des réformes. Cette guérilla me semble un petit peu anachronique par rapport à la volonté des Français."