Transports en commun: proposition de loi pour accroître les pouvoirs de contrôle des agents de sûreté

L'accès au Thalys à la gare du Nord devrait être bientôt sécurisé comme celui de l'Eurostar. - ERIC FEFERBERG – AFP
En matière de sécurité, les agents de sûreté de la SNCF, RATP ou des régies de transports des grandes villes ont des pouvoirs assez limités. Une proposition de loi enregistrée lundi à la présidence de l'Assemblée nationale et présentée mardi en commission veut drastiquement renforcer leurs pouvoirs de contrôle des voyageurs. Son vaste intitulé laisse prévoir un champ d'application très large. Il couvre la "prévention et la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs".
Après deux reports fin août et mi-novembre pour cause d'attentats -tentative avortée dans le Thalys et massacres à Paris- elle devrait finalement être examinée les 16 et 17 décembre prochains, en vertu d'une procédure accélérée. Le texte -au contenu sensible en cet entre-deux tours puisque les transports sont de la compétence des régions- s'inscrit dans la droite ligne de ce qu'avait annoncé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, en octobre.
> Quelles sont les mesures envisagées?
Comme toujours, les impératifs sécuritaires doivent s'harmoniser avec le respect des libertés individuelles conforme à notre démocratie. Le député Gilles Savary, rapporteur du texte, a expliqué que "la ligne rouge indépassable (est) la distinction entre agent de sûreté et police nationale". Les nouvelles mesures envisagées se rapprochent pourtant beaucoup des pouvoirs de la police. Si la proposition venait à être adoptée, les agents susceptibles de patrouiller en tenues civiles pourraient:
Fouiller les bagages et palper les voyageurs. Et refuser, le cas échéant, l'accès au train aux réfractaires.
Contrôler la pièce d'identité des voyageurs et leur infliger une amende de première catégorie de 11 euros en cas de manquement. Les pièces de substitution comme le permis de conduire, la carte d'électeur ou la carte de transport ne suffirait plus.
En cas d'identité impossible à vérifier, deux possibilités sont envisagées. La première serait de donner à l'agent le pouvoir de retenir pendant une heure la personne en attendant l'arrivée d'un agent de police judiciaire. La seconde serait de créer un nouveau délit de "soustraction au relevé d'identité", avec amende et peine de prison assorties.
Du côté des sociétés de transports, la surveillance de leurs personnels serait également renforcée. L'administration pourrait leur signaler les personnes radicalisées et ainsi empêcher une embauche ou une mission à un poste clef, tel qu'aiguilleur ou conducteur de train.
> Comment seront-elles financées?
Pour financer ces nouvelles mesures et compenser le coût de la fraude qui est estimé à 500 millions d'euros par an, une "taxe sûreté" est envisagée par un amendement, calquée sur celle qui existe déjà pour les transports aériens. Son produit servirait notamment à financer des installations de portiques pour les accès au TGV Thalys, promis par Ségolène Royal. Une zone de sécurité dédiée ressemblant à celle de l'Eurostar serait alors mise en place.
Concernant la fraude, les contrôles d'identité permettraient d'éviter la production d'informations fantaisistes, voire l'usurpation d'identité.
> Quels sont les obstacles à ce train de mesures?
"On ne parviendra jamais au risque zéro", prévient dans Le Parisien Gilles Savary. Contrôler des rames de métro bondées est difficilement envisageable d'un point de vue pratique. Sans compter l'écueil du "délit de faciès". Le collectif "Stop le contrôle au faciès" et le Mrap avaient dénoncé en août dernier l'inefficacité, selon eux, d'une procédure qui induit "un nombre de prises infime".
Autre problème: l'obligation de présenter ses papiers d'identité s'apparente à une réminiscence d'une obligation imposée par le régime de Vichy. Rappelons que depuis le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955, les Français n'ont plus l'obligation de détenir une carte d'identité.