Meurtre d'Aboubakar Cissé: pourquoi Yaël Braun-Pivet a finalement accepté la minute de silence à l'Assemblée nationale

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dans l'hémicycle le 11 février 2025 - Thibaud MORITZ / AFP
Un retour dans l'hémicycle qui commence par une polémique. Après deux semaines de pause, les députés de gauche ont demandé une minute de silence pour Aboubakar Cissé, un jeune homme d'une vingtaine d'années tué ce vendredi dans une mosquée du Gard.
Après avoir été dans un premier temps refusé par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, elle a finalement été acceptée par ses soins et s'est déroulée ce mardi après-midi.
"Une décision inacceptable"
C'est La France insoumise qui avait en premier fait savoir sa désapprobation quelques heures plus tôt en apprenant que cet hommage n'aurait d'abord pas lieu.
"Yaël Braun-Pivet, Marine Le Pen et la macronie refusent la minute de silence dans l’hémicycle que demandait le groupe insoumis en hommage à Aboubakar", a alors dénoncé la présidente des députés LFI Mathilde Panot sur X.
"Cette décision est inacceptable et nuit à l’unité que devrait avoir le pays face à l’horreur de la haine et dans la lutte contre l’islamophobie", a encore regretté l'élue.
Pour organiser un hommage à l'Assemblée nationale, la procédure exige qu'un groupe en fasse la demande, ce qu'ont fait les députés LFI, soutenus par les socialistes et les écologistes.
Mais une autre condition est nécessaire pour qu'une minute de silence ait lieu: l'accord de tous les groupes politiques lors de la conférence des présidents qui réunit toutes les tendances politiques de l'Assemblée nationale. Renaissance comme le Rassemblement national ont mis leur veto.
De quoi pousser donc la présidente du Palais-Bourbon à dire non dans un premier temps à l'hommage pour Aboubakar Cissé, mettant en avant de nouvelles règles fixées à l'unanimité en janvier dernier.
Des règles précises
La minute de silence a "vocation à être systématique pour les militaires, gendarmes ou policiers tués en service, pour les décès de personnalités importantes du monde politique français, pour les actes de terrorisme en France ainsi que pour ceux d'ampleurs commis à l'étranger", peut-on lire dans le document qui encadre les minutes de silence.
Aboubakar Cissé n'est pas considéré comme victime d'un acte terroriste. Le parquet national antiterroriste ne s'est pas pour l'instant saisi de ce crime.
"Pour les autres événements, le choix de rendre un hommage doit correspondre à un moment important pour la nation, qu'il s'agisse d'un drame suscitant une forte émotion ou d'un événement particulièrement heureux ou symbolique", précisent encore les nouvelles règles.
"Tué car musulman"
Et de citer le cas du jeune Elias, poignardé à mort à Paris en janvier dernier après avoir refusé de donner son téléphone portable. "La conférence des présidents s'est accordée pour ne plus organiser de minutes de silence relatives à un cas particulier".
Mais la décision prise par Yaël Braun-Pivet a suscité la colère de la gauche bien au-délà du cas de La France insoumise, qui voit dans la mort d'Aboubakar Cissé un acte islamophobe.
"Aboubakar Cissé a été tué car musulman", a regretté de son côté le président des députés PS Boris Vallaud. "Un hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale".
Le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure s'est dit de son côté "scandalisé" par le refus de Yaël Braun-Pivet sur son compte X.
Le RN en service minimum
De quoi pousser donc la présidente de l'Assemblée nationale à changer d'avis. "Aucun consensus n’était apparu ce matin en conférence des présidents. J’ai échangé depuis avec certains présidents de groupe", a-t-elle expliqué sur son compte X.
"Face à l’émotion légitime et compte tenu de l’ignoble instrumentalisation faite par certains de sa mort, j’ai souhaité que nous puissions saluer tout à l’heure sa mémoire. Sobrement et dignement", a encore avancé la députée des Yvelines.
Sans vraiment convaincre le Rassemblement national. Marine Le Pen avait mis de son côté "en garde contre l'instrumentalisation par la gauche d'une décision qui respecte les règles fixées par l'Assemblée", lors de la réunion de la conférence des présidents auprès de BFMTV.
Rares étaient les députés RN à assister ce mardi après-midi à l'hommage pour Aboubakar Cissé.
Des refus qui ne sont pas une première
Ce n'est pas la première fois que la gauche se voit refuser une minute de silence à l'Assemblée nationale. En novembre 2023, le groupe LFI espérait organiser un hommage aux 102 collaborateurs de l'ONU morts à Gaza depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. Mais les patrons des groupes parlementaires avaient, eux, refusé.
À l'époque, une proche de la présidente de l'Assemblée nationale avait expliqué vouloir plancher sur la codification des minutes de silence "pour éviter les excès dans ce domaine".
Même constat pour les deux Français morts dans les bombardements au Liban en octobre 2024, à nouveau demandé par Mathilde Panot et refusé par Yaël Braun-Pivet. La patronne du Palais-Bourbon avait cependant donné son acord pour un hommage à Philippine, retrouvée morte dans le bois de Boulogne en novembe 2024.
"Éviter les excès dans ce domaine"
À l'époque, une proche de la présidente de l'Assemblée nationale avait expliqué vouloir plancher sur la codification des minutes de silence "pour éviter les excès dans ce domaine", d'où la création de nouvelles régles depuis le mois de janvier.
Ces moments d'hommage se sont multipliés ces dernières années dans l'hémicycle, avec une nette accélération récemment, d'un hommage aux victimes du Hamas, trois jours après les attaques du 7 octobre contre Israël, à l'assassinat du professeur Dominique Bernard en passant par les victimes de la répression en Iran en 2022, la mort du jeune Thomas, mort à Crépol ou encore pour un agent Enedis décédé en intervention en 2023.
Présente lors d'une conférence à l'Assemblée organisée par la députée Sabrina Sebaihi, la famille d'Aboubakar Cissé a demandé à ce que "justice soit faite".