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Joël Guerriau soupçonné de soumission chimique: Gérard Larcher va saisir le comité de déontologie du Sénat, ouvrant la voie à des sanctions

Capture d'écran d'une vidéo diffusée par Télé Liban le 13 février 2020 montrant le sénateur français Joël Guerriau lors d'une visite au Liban

Capture d'écran d'une vidéo diffusée par Télé Liban le 13 février 2020 montrant le sénateur français Joël Guerriau lors d'une visite au Liban - Handout

Le comité de déontologie du Sénat va finalement se saisir du cas du sénateur Joël Gueriau mis en examen pour tentative d'agression sexuelle sur la députée Sandrine Josso en novembre 2023. Mais la chambre haute ne pourra pas contraindre l'élu, qui est toujours parlementaire, à la démission.

Près d'un an et demi après les faits reprochés, le Sénat joue la carte du symbole. Le président de la chambre haute, Gérard Larcher, a annoncé saisir le comité de déontologie du Sénat, ouvrant la voie à des sanctions contre Joël Guerriau, un sénateur soupçonné d'avoir en novembre 2023 drogué la députée Sandrine Josso dans un communiqué ce 3 juillet.

"Une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement ayant été prise à l’encontre de Joël Guerriau la semaine dernière, le Président du Sénat a annoncé ce jour au Bureau qu’il saisirait le Comité de déontologie parlementaire, conformément au Règlement du Sénat, dès que l’ordonnance lui aura été transmise", peut-on lire dans ce texte.

Le sénateur plaide "le tour de magie" raté

Le sénateur Joël Guerriau est soupçonné d'avoir drogué à son insu la députée Modem Sandrine Josso en vue d'une agression sexuelle en novembre 2023. Lors d'une perquisition, les enquêteurs avaient retrouvé de la MDMA dans un tiroir de la cuisine du sénateur. Interrogé en garde à vue, celui-ci avait indiqué ne pas savoir pourquoi ce stupéfiant était dans sa cuisine.

L'élu, à l'époque Horizons, avait ensuite expliqué avoir voulu "faire un tour de magie" à la députée et expliqué traverser une passe difficile à cause de "la mort de son chat".

Deux juges d'instruction ont ordonné fin juin un procès devant le tribunal correctionnel qui aura lieu le 27 novembre. De quoi manifestement changer la donne pour le Sénat qui a donc décidé de réunir son comité de déontologie.

Un comité de déontologie peu actif

La dernière fois que cet organe avait dû se saisir du cas d'un sénateur était en avril 2023, comme l'indique la chambre haute sur son site.

Cette instance a pour but de veiller au "respect des principes déontologiques applicables aux sénatrices et aux sénateurs" comme l'indépendance, dignité, probité, intégrité, prévention des conflits d’intérêts et respect du principe de laïcité dans l'exercice du mandat.

Très concrètement, 9 sénateurs qui représentent l'ensemble des groupes politiques de la chambre haute peuvent proposer à Gérard Larcher de saisir le bureau du Sénat en lui faisant des recommandations.

Dans le seul avis qui demandait au président de l'institution de se saisir du cas de la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam en mars 2021, le comité de déontologie recommandait "un accompagnement individualisé et régulier par un professionnel en vue de mieux exercer ses fonctions d'employeur".

Joël Guerriau toujours sénateur

Si la saisie de cet organe chargé de l'éthique des parlementaires est très symbolique, le comité de déontologie ne pourra pas contraindre Joël Guerriau à démissionner. Seul le Conseil constitutionnel peut en effet le destituer de son mandat, après le prononcé définitif d'une éventuelle sanction pénale.

Depuis sa mise en examen en novembre 2022, le parlementaire n'est plus apparu dans l'hémicycle. Il reste cependant toujours sénateur et continue de percevoir chaque mois son indemnité parlementaire d'un montant de 5.931 euros. Sur le site du Sénat, il apparaît par ailleurs toujours bien membre du groupe Les indépendants, dont le président Claude Malhuret est un proche d'Édouard Philippe.

Joël Guerriau, qui s'était illustré au Sénat dans un combat contre les delphinariums ne compte abandonner son mandat au nom "des grands principes de la République tels que la présomption d'innocence", comme il l'a expliqué dans un communiqué de presse en 2023.

Au lendemain de son arrestation, Gérard Larcher avait expliqué sur Public Sénat demander à Joël Guerriau "eu égard à la gravité des faits et à la dignité de la fonction de parlementaire", de "démissionner de deux fonctions éminentes au Sénat: secrétaire du bureau du Sénat, et vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées".

Pas de coup de fil du président du Sénat

Joël Guerriau mettra près de 10 mois à se démettre de ses fonctions. Le président du Sénat n'a, quant à lui, jamais appelé Sandrine Josso, comme elle l'avait expliqué sur BFMTV en novembre 2024.

Le 23 juin dernier, l'avocat de Sandrine Josso s'est fendu d'un courrier auprès du président du Sénat, consulté par BFMTV. Son conseil interpellait notamment Gérard Larcher sur les faits suivants:

-La drogue trouvée en la possession de Joël Guerriau lui a été fournie par un autre sénateur. Le Sénat a-t-il ouvert une enquête sur ce trafic de stupéfiants en son sein ?

-ll était en possession de cette substance illicite qu’il prétendait vouloir consommer. N’est-il pas inquiétant qu’un Sénateur puisse prétendre ouvertement vouloir consommer des stupéfiants, après avoir été rapporteur d’une loi sur le trafic de stupéfiants ?

Dans l'émission Complément d'enquête diffusée le 19 juin dernier, une autre femme accuse Joël Guerriau de l'avoir drogué puis "abusé d'elle". Elle n'a pas déposé plainte. La députée Sandrine Josso est officiellement chargée depuis le mois de novembre d'une mission sur la soumission chimique lancée dans la foulée du procès de Mazan où 51 hommes étaient accusés d'avoir violé Gisèle Pélicot, droguée par son mari.

Marie-Pierre Bourgeois avec Alexandra Gonzalez