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Face à la vague de départs de LaREM, quels dangers la majorité court-elle?

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Depuis le début de la législature, le groupe macroniste est passé de 314 députés à 300, en comptant les membres apparentés. Une baisse certaine mais encore loin de priver l'exécutif d'une majorité, a fortiori si l'on compte ses alliés centristes du MoDem.

Aux grands maux (de cœur) les grands remèdes. Constatant le début d'hémorragie que subit son groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron a fait savoir qu'il convierait à l'Elysée mardi ses membres, ainsi que leurs alliés du MoDem et d'Agir. La câlinothérapie est en marche. En l'espace de quelques semaines, au fil des déboires de LaREM et de son fondateur, plusieurs marcheurs ont claqué la porte. Soit du mouvement, soit de la majorité.

Les plus récents datent de jeudi. Il y a d'abord eu Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime, qui dit refuser de "creuser davantage le fossé" créé par la réforme des retraites entre les Français et la majorité. Elle quitte à la fois le parti et le groupe parlementaire, et siégera chez les non-inscrits.

Quant à Xavier Batut, député de Seine-Maritime, il évoque des raisons locales à l'approche des municipales, affirme que le "renouvellement promis n'est pas au rendez-vous" mais demeure apparenté au groupe.

  • "La ficelle commence à devenir grosse"

Au mitan de la législature, il est temps de faire les comptes. Au lendemain des élections législatives de juin 2017, La République en marche avait réussi le tour de force - profitant de l'effondrement du PS et du traumatisme de LR - de constituer un groupe de 314 députés. Il incluait à l'époque 5 élus apparentés, qui bénéficient des mêmes avantages que leurs collègues mais qui se distinguent ainsi pour des raisons qui peuvent varier, souvent idéologiques. Un tel choix a bien davantage d'impact sur les petits groupes parlementaires - dont la survie dépend de la taille - que sur les gros. 

Désormais, le groupe LaREM ne compte plus que 300 membres, dont lesdits apparentés, aujourd'hui plus nombreux qu'il y a deux ans et demi. Beaucoup des marcheurs contrariés ont choisi cette option. Une façon de faire qui n'a pas échappé au noyau dur du groupe. Comme lorsqu'un député LaREM de premier plan commentait auprès de BFMTV.com le départ d'Annie Chapelier, sa collègue du Gard:

"La ficelle commence à devenir grosse. On se désolidarise du mouvement au niveau local pour apparaître au dessus des partis. De l'autre côté on reste au groupe pour bénéficier des moyens, et pour finir on dit qu'on reste fidèle au président de la République", raillait ce macroniste de premier plan. 
  • Le bloc LaREM-MoDem maintenu à 346

Politiquement, l'impact de ces départs peut s'avérer destructeur... à terme. La majorité absolue à l'Assemblée nationale s'élevant à 289 sièges, les marcheurs sont encore loin d'un cataclysme consistant à ne plus pouvoir garantir l'adoption des projets de loi gouvernementaux. D'autant qu'ils disposent de l'appui du groupe MoDem, dont la plupart des 46 députés ont jusqu'ici fait preuve d'une loyauté sans faille sur les textes importants. 

Cela aboutit donc à un bloc de 346 députés qui - à quelques exceptions près, comme lors du texte sur le traité commercial avec le Canada - devraient continuer à soutenir l'exécutif. S'ajoutent aux troupes centristes les autres groupes minoritaires Macron-compatibles: UDI-Agir (28 membres) et, dans une moindre mesure, Libertés et Territoires (20 membres). Si certains d'entre eux sont, là aussi, d'ex-LaREM déçus par le cap et les méthodes du chef de l'État, beaucoup avalisent en réalité des textes émanant de la macronie.

  • Le spectre (encore éloigné) de la fronde

Partant de ce constat, difficile d'esquisser une comparaison avec la législature précédente, marquée par la fronde d'une grande partie des députés socialistes. Une guerre interne au PS qui, le quinquennat de François Hollande progressant, s'est faite de plus en plus amère et violente.

À tel point qu'en 2016, lorsque le projet de loi Travail défendu par Myriam El Khomri arrive à l'Assemblée nationale, 30 députés socialistes actent leur rupture totale en signant une motion de censure contre leur propre gouvernement. Parmi eux se trouvait d'ailleurs Benoît Hamon, futur candidat investi par le PS pour l'élection présidentielle. De quoi contraindre le Premier ministre Manuel Valls à faire cet aveu le 6 juillet 2016:

"Oui, sur un certain nombre de textes, et des textes importants, nous n'avons qu'une majorité relative. Je l'assume."
  • L'effet symbolique de la lassitude

Pour l'heure, aucun courant ne paraît suffisamment structuré au sein de l'actuelle majorité pour obérer les travaux de l'exécutif d'un point de vue arithmétique - en clair, le mettre en minorité sur des textes majeurs. D'autant que, pour les députés qui se placent dans la perspective d'une réélection d'Emmanuel Macron en 2022, la discipline devra être de mise s'ils souhaitent être réinvestis pour les prochaines législatives.

Par ailleurs, comme on peut le constater en ce moment dans le cadre des débats autour de la réforme des retraites au Palais-Bourbon, il suffit au groupe La France insoumise (17 membres) de déposer plus de 19.000 amendements d'obstruction pour potentiellement faire dérailler le calendrier gouvernemental.

Le principal danger qui guette la macronie à l'Assemblée nationale est peut-être d'ordre symbolique, voire humain: que des élus initialement si conquis par le président s'en séparent au compte-gouttes de façon continue, déjà frustrés et lassés par l'aventure. Au point que de plus en plus de voix manquent à l'appel à des moments cruciaux? D'ici 2022, ces derniers risquent d'être nombreux. 

Jules Pecnard