Cahuzac: "J'ai menti au président et au Premier ministre"

Jérôme Cahuzac jure de dire la vérité, mercredi, face à des députés. - -
Jérôme Cahuzac est arrivé à scooter à l'Assemblée nationale, ce mercredi après-midi, voulant donner l'image d'un homme "détendu", alors qu'il revient pour la première fois à l'Assemblée nationale depuis son départ explosif.
Dans la salle d'audition, en costume gris, il a levé la main droite et "juré de dire l'entière vérité" devant ses anciens collègues, chargés de l'interroger.
D'une voix traînante et atone, il a répondu qu'il n'avait informé personne, et encore moins Pierre Moscovici, de la réception du formulaire de Bercy sur ses comptes bancaires, qui lui avait été adressé en décembre dernier. Il n'a d'ailleurs jamais répondu à ce formulaire. "Pourquoi?", lui demande un député. "Il y a deux tabous que je n'ai jamais transgressés. Je n'ai jamais juré sur la tête de mes enfants que je n'avais pas de compte à l'étranger, contrairement à ce qui a été écrit. Et mentir par écrit à une administration dont j'avais la charge m'a semblé impossible."
Le jour où il a appris qu'une information judiciaire le visant venait d'être ouverte, il a voulu immédiatement joindre Jean-Marc Ayrault. "Ma situation au sein du gouvernement devient dès lors intenable et je cherche à joindre le Premier ministre pour lui indiquer que je dois démissionner." Répondant à une question sur le rôle de bouc émissaire que certains lui ont accordé, Cahuzac répond: "Si je suis une victime, je suis victime de moi-même, et de personne d'autre."
"Je vous ai menti car je venais de mentir au président"
Daniel Fasquelle, le député UMP qui avait questionné Jérôme Cahuzac le 5 décembre dernier dans l'Hémicycle, entraînant son fameux mensonge -"Je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant"-, a ensuite attaqué bille en tête l'ex-ministre, entraînant quelques remous dans l'assemblée.
"Le 2 avril, il me semble déjà avoir indiqué par écrit le sentiment que j'avais de cette séance de questions, ça ne sert à rien d'y revenir. Je vous ai menti parce que dans les heures qui précédaient, j'avais menti au Président de la République et au Premier ministre. [...] Il semble, je ne m'en félicite pas, j'ai plutôt tendance à le regretter amèrement, que j'ai pu mettre dans mes dénégations une force de conviction qui a pu, je le regrette, en convaincre plus d'un."
Plus tard, durant l'audition, il reviendra sur ces mensonges. "Je n'ai dit la vérité à personne. Pas à ma famille, pas à mon avocat, pas à mes amis, pas à mes collègues, pas à mes collaborateurs. C'est ainsi."
Silence et non-réponses
Autre information révélée par Jérôme Cahuzac lors de cette audition, une conversation entre Eric Woerth et lui-même, au début du mois de décembre, après qu'un journaliste de Mediapart a affirmé à Jérôme Cahuzac qu'Eric Woerth avait reçu un courrier quand il était ministre, révélant qu'il détenait un compte en Suisse. "Il m'a affirmé qu'il n'en avait jamais eu connaissance, et que si tel avait été le cas, il aurait ouvert une enquête pour en savoir plus."
"Aviez-vous un compte chez Reyl entre 2006 et 2012?", demande Charles de Courson, le président de la commission. "Je ne peux pas vous répondre", déclare Jérôme Cahuzac. Interrogé sur ses déplacements en Suisse, l'ancien député de Villeneuve-sur-Lot refuse également de répondre, au grand dam des députés. "Merci de ces non-réponses", répond ironiquement Charles de Courson.
Questionné sur son travail de consultant, Cahuzac affirme que ses "relations avec l'industrie pharmaceutique s'arrêtent en 2002", citant les laboratoires Pierre Fabre et Upsa, et que ses derniers contrats de conseil "ont été purgés en 1997".
L'action du gouvernement en question
Cette audition survient au lendemain du vote en première lecture à l'Assemblée des projets de loi sur la transparence de la vie politique, présentés par le gouvernement pour réagir au scandale Cahuzac.
Présidée par Charles de Courson, la commission d'une trentaine de députés a ciblé ses investigations sur l'action du gouvernement pendant que Jérôme Cahuzac, alors encore à Bercy, niait en bloc les révélations l'accablant.
L’ex-ministre du Budget est interrogé sur d'éventuelles protections dont il aurait pu faire l'objet entre la révélation par Mediapart le 4 décembre qu'il possédait un compte à l'étranger et ses aveux le 2 avril.
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