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Assemblée: l'exfiltration des journalistes d'un média d'extrême droite tourne à l'affrontement entre le RN et LFI

Capture d'écran sur X le 10 avril 2025 montrant une photo avec les députés RN Julien Odoul, Bryan Masson, Laurent Jacobelli et Yoann Gillet et une photo avec les députés LFI Aly Diouara, Raphaël Arnault, Carlos Martens Bilongo et Sébastien Delogu

Capture d'écran sur X le 10 avril 2025 montrant une photo avec les députés RN Julien Odoul, Bryan Masson, Laurent Jacobelli et Yoann Gillet et une photo avec les députés LFI Aly Diouara, Raphaël Arnault, Carlos Martens Bilongo et Sébastien Delogu - BFMTV

Après une manifestation qui a tourné au vinaigre entre des députés de gauche et le média Frontières, le Rassemblement national (RN) a décidé de soutenir le trimestriel d'extrême droite, reprenant notamment une photo d'élus insoumis pour la détourner et combattre le parti de gauche pour qu'il "n'impose pas sa pratique" à l'Assemblée nationale.

Le chaudron de l'hémicycle a débordé jusqu'aux jardins de l'Assemblée nationale ce mercredi. Manifestion, exfiltrations, la présidente de l'Assemblée nationale en arbitre et une photo moqueuse...

Tout commence donc ce mercredi après-midi. Comme tous les trimestres, le média identitaire Frontières, lancé par Érik Tegner, un ex-LR qui gravite désormais dans la galaxie de Reconquête, sort son magazine.

Un rassemblement pour protester contre un article

La une affiche la couleur avec le titre "LFI le parti de l'étranger, enquête sur la galaxie anti-France". À l'intérieur, on y trouve un article qui "questionne la cohérence entre les valeurs affichées par LFI et les pratiques de son écosystème". Plusieurs noms de collaborateurs - que l'on trouve en ligne sur le site de l'Assemblée nationale - y apparaissent.

La méthode déplaît dans le camp insoumis. Frontières place "des cibles sur nos collaborateurs et collaboratrices", regrette la patronne des députés LFI Mathilde Panot. Le PS, actuellement en froid avec les Insoumis, dénonce encore "la vindicte et la menace".

Soucieux de marquer le coup, un rassemblement s'organise dans les jardins de l'Assemblée nationale pour soutenir les assistants parlementaires de LFI à l'appel notamment de la CGT. Mais plusieurs journalistes de Frontières, dont la marque de fabrique sur les réseaux sociaux est de couvrir les évènements politiques, sont présents sur place et filment la scène.

"Le loup dans la bergerie"

De quoi faire monter très vite la température. Un député communiste tente d'écarter le téléphone de l'une des trois journalistes présents. D'autres essaient prendre leur place sur le perron où ils se trouvaient, face aux manifestants.

"Frontières, casse-toi, l'Assemblée n'est pas à toi", lancent alors des manifestants. Commentaire du député socialiste Arthur Delaporte: "ils étaient en train de filmer des gens, les collaborateurs. C’était le loup dans la bergerie, c’était choquant".

Plusieurs fonctionnaires du Palais-Bourbon interviennent alors pour exfilter les journalistes du média. Quelques dizaines de minutes plus tard, la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet se fend d'un communiqué de presse dans lequel elle souligne dans un langage feutré ne pas tolérer les démarches "pouvant s'apparenter à une mise en scène et des provocations".

Avant d'évoquer l'éventualité "de mesures restrictives d'accès à l'Assemblée" en cas "de méconnaissance de ces règles", le tout rappelé par l'envoi d'un futur courrier à Frontières.

Bras de fer par photo

Plutôt discret tout au long de l'après-midi, le RN se décide finalement à hausser le ton. Cinq heures après les propos de Yaël Braun-Pivet, le parti à la flamme refuse de débattre du projet de loi simplification de la vie économique, en cours dans l'hémicycle.

"Les députés d'extrême gauche s'en prennent à la liberté de la presse, en menaçant physiquement des journalistes de Frontières. La nostalgie du totalitarisme et la 'culture racaille' n’ont rien à faire à l’Assemblée nationale. Tout mon soutien aux équipes de Frontières, a écrit sur X le président du RN.

Plusieurs élus des troupes de Marine Le Pen s'amusent également à prendre une photo qui ressemble trait pour trait à une autre prise par des députés insoumis après les législatives anticipées de juin 2022.

Là où Sébastien Delogu et Carlos Martens Bilongo posent avec leurs nouveaux collègues Aly Diouara et Raphaël Arnault avec la mention "RN pas content", c'est cette fois-ci le tour de Julien Odoul, Laurent Jacobelli, Yoann Gillet et Bryan Masson de se mettre en scène, avec le numéro du mois d'avril de Frontières entre les mains

"Sur la photo de LFI, on a l'impression qu'ils sont à la maison, qu'ils vont faire leur loi, imposer leur pratique. Et malheureusement, c'est un peu ce qu'il se passe", juge le député RN Julien Odoul auprès de BFMTV.com.

Frontières peut-être bientôt interdit à l'Assemblée

Si les députés du parti de Jordan Bardella reprennent dès ce jeudi la parole dans l'hémicycle, ils sont plusieurs à répondre aux questions de Frontières ce jeudi matin. C'est par exemple le cas de Caroline Parmentier, elle-même ancienne journaliste à Présent, un journal aujourd'hui disparu, proche des mouvements catholiques traditionnalistes. Elle juge dans une vidéo publiée sur le compte X du média que les salariés y font "du vrai journalisme".

À gauche, on s'active. Les députés écologistes demandent au bureau de l'Assemblée nationale la suspension temporaire et immédiate de l'accès au Palais-Bourbon à Frontières. Le média a annoncé de son côté dans un communiqué de presse avoir déposé plainte sans en préciser le motif.

L'affaire pourrait encore rebondir si le bureau de l'Assemblée décide dans les prochains jours de suivre la demande des écologistes.

Marie-Pierre Bourgeois