Après la rixe mortelle dans l'Essonne, la fin de l'excuse de minorité divise jusqu'à la droite

Des lycéens devant un établissement scolaire parisien - FRED DUFOUR
La fin de l'excuse de minorité revient dans le débat, au lendemain de la mort d'un adolescent de 17 ans tué par arme blanche devant un lycée à Yerres (Essonne). Le Sénat se penche ce mardi sur une proposition de loi déjà adoptée à l'Assemblée pour "restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants".
Ce texte, défendu par le président des députés Renaissance Gabriel Attal, vise à durcir les dispositions pénales pour les mineurs, de la possibilité de la comparution immédiate, impossible en l'état actuel du droit, aux sanctions pour les parents des délinquants mineurs.
"Une politique pénale plus du tout adaptée"
Mais c'est surtout la question des dérogations à l'excuse de minorité, ardemment défendues par l'ancien Premier ministre, qui fait débat.
"Certains mineurs ont malheureusement un sentiment d'impunité. Pourquoi?Parce que notre politique pénale n'est plus du tout adaptée", défend Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur ce mardi matin sur Europe 1-CNews, appelant à ce que "l'excuse de minorité devienne une exception".
Ce principe remonte à une ordonnance de 1945. Reprise dans le code pénal, l'excuse de minorité permet qu'un mineur soit moins sévèrement puni qu'un majeur. Elle n'a été levée que deux fois par la justice depuis 1945, pour des crimes particulièrement graves, et reste à l'appréciation souveraine des juges.
"La violence des jeunes est un drame mais ne nous trompons pas de réponse", avance de son côté sur TF1 Olivier Faure, le premier secrétaire du parti socialiste, accusant Gabriel Attal de "faire de la communication".
Des députés très sceptiques
Le député PS tenait cependant un autre discours en octobre dernier, quatre jours après un meurtre à Marseille impliquant un tueur à gages de 14 ans.
Mettre fin à l'excuse de minorité "est une possibilité qu'il faut envisager", expliquait-il alors. "Je demande à voir ce que sera le texte de Gabriel Attal mais je dis qu'effectivement, pour des crimes très graves, pour les crimes sexuels, pour des crimes de sang, l'excuse de minorité se justifie moins", nuançait-il cependant dans la foulée.
Mais la proposition de loi de Gabriel Attal avait peiné à convaincre l'Assemblée nationale en février dernier, bien au-delà des rangs de la gauche.
En commission des lois, le texte avait largement été édulcoré, en étant pratiquement vidé de sa substance. Fin de l'excuse de minorité, création d'un procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans en cas d'infraction grave, extension de la responsabilité des parents pour les dommages causés par leurs enfants...
Autant de mesures passées à la trappe, faute de soutiens des députés du bloc commun qui n'avaient guère fait le déplacement. L'ancien Premier ministre avait finalement battu le rappel des troupes et toutes les mesures clef de la proposition de loi avaient été rétablies en séance grâce notamment aux voix du Rassemblement national dans une atmosphère électrique.
Darmanin à la rescousse
La température en commission des lois au Sénat n'a guère été meilleure la semaine dernière. Alors que sur le papier, Gabriel Attal aurait dû trouver un large soutien à la chambre haute largement à droite, les sénateurs n'ont pas été convaincus non plus.
Le rapporteur LR du texte Francis Szpiner, a dénonce une proposition de loi écrite "dans la précipitation" après les émeutes liées à la mort du jeune Nahel à l'été 2023. Le sénateur a épinglé des mesures "essentiellement incantatoires" ou de nature à "fragiliser l'application des textes déjà existants" comme le code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur récemment, en 2021.
Mais Gabriel Attal compte désormais sur des relais de poids au Sénat pour renverser la vapeur, à commencer par Hervé Marseille, le président des sénateurs centristes, allié des LR à la chambre haute. Le président des députés macronistes peut également compter sur le garde des Sceaux Gérald Darmanin qui tente de convaincre les élus de droite.