Notre-Dame de Paris: après les hommages, comment reprendre la main sur la crise politique?

Emmanuel Macron - Image d'illustration - KENZO TRIBOUILLARD / AFP
C'était l'événement de la soirée, Emmanuel Macron allait prendre la parole lundi soir et dire quelles étaient ses solutions pour apaiser la crise politique et sociale parcourant le pays. Enfin, ça devait l'être car peu avant 19h, Paris a commencé à vivre au rythme infernal des flammes se répandant sur les toitures de Notre-Dame. Entre effroi devant les dégâts infligés à la cathédrale et soulagement de voir l'édifice toujours solidement campé sur ses fondations, les murs, les rosaces et son trésor encore intacts, la société consacre toujours une bonne partie de son attention à l'événement.
Des politiques "restées en rade"
Celle de l'exécutif aussi. Après le report de ses annonces, Emmanuel Macron s'est exprimé par deux fois: sur le parvis de la cathédrale lundi soir d'abord, puis mardi soir dans une allocution retransmise depuis l'Elysée. Dans un cas comme dans l'autre, il ne s'agissait que d'évoquer la catastrophe. Les échanges au sein du Conseil des ministres de cette semaine n'ont roulé que sur ce seul sujet également.
Mais l'actualité ne pourra rester monothématique bien longtemps, selon notre éditorialiste Christophe Barbier ce jeudi matin:
"L’incendie de Notre-Dame ne mérite pas que tout s’arrête, c’est excessif. Que les annonces postérieures au grand débat soient reportées oui, on peut le comprendre. Donc qu’on reporte les annonces après le week-end de Pâques, parce qu’en plus cet incendie s’est produit pendant la Semaine sainte, c’est tout à fait compréhensible. Mais il n’y a pas que le grand débat et les réformes qui suivront. Il y a toute une série de politiques qui sont restées en rade et ce n’est pas normal."
Une tactique à plusieurs ressorts
L'exécutif doit en effet se colleter à l'opposition suscitée par la loi Blanquer, au conflit autour de l'AP-HP, aux délicates négociations sur les retraites. Christophe Barbier voit dans l'attentisme d'Emmanuel Macron une tactique à plusieurs ressorts.
"Il y a une tactique qui consiste à se mettre à l’unisson d’une opinion choquée. Les gens parlent essentiellement de Notre-Dame dans leur entourage. Mais se mettre à l’unisson de l’opinion n’est pas tout à fait le rôle d’un président, il y a un peu de démagogie. Par ailleurs, dans cette opinion, il y a une frange très sensibilisée, c’est la France chrétienne, ces démocrates-chrétiens, une France globalement de droite qui est un des territoires de chasse d’Emmanuel Macron, surtout à un mois des Européennes."
Il a relevé un dernier but, et sans doute le plus important: "Et puis il y a l’objectif majeur : marginaliser les gilets jaunes. Faire comprendre que puisque Notre-Dame doit nous rendre tous meilleurs, il serait peut-être temps de mettre un terme à ce conflit, de ne pas descendre dans la rue comme il était prévu."
Mais un tel raisonnement ne peut, à terme, qu'apparaître de courte vue dans le contexte actuel, a souligné notre journaliste Laurent Neumann sur notre plateau ce jeudi. "Il y a une réelle impatience: tout le monde veut savoir comment on en sort quelles sont les décisions qui vont être prises? Ca peut attendre mardi prochain mais il va falloir passer à autre chose car l’attente est réelle", a-t-il posé.
Que faire?
A l'origine donc, Emmanuel Macron devait égrener ses mesures lundi soir à la télévision, puis deux jours plus tard lors d'une conférence de presse. Le Figaro, qui révèle ce dispositif finalement abandonné devant les circonstances, souligne que ce rendez-vous face aux journalistes aurait été une première pour ce quinquennat.
Il n'est cependant pas exclu que cette conférence ait lieu, bien que remise à une date ultérieure et pour le moment inconnue car l'annonce des mesures a été reportée sine die. En revanche, l'idée de l'allocution a du plomb dans l'aile. "La séquence ne pourra plus être la même après ce qui s’est passé. On va réajuster le dispositif", a ainsi acté un membre de l'entourage du président de la République auprès du Figaro. Et puis à l'Elysée on estime que l'intervention d'Emmanuel Macron au sujet de Notre-Dame de Paris a épuisé son quota de solennité dans l'immédiat.
Il se confirme en revanche que les Français ne devraient rien voir venir d'ici à mardi, après le lundi de Pâques. En dehors d'une retenue par rapport aux catholiques, éprouvés en pleine Semaine sainte, ce délai découle aussi d'un motif plus pragmatique pour le sommet de l'Etat: retrouver un terrain plus favorable, après avoir buté de bosse en bosse. "Les conditions d’entrée dans la séquence post-grand débat sont les pires qui soient. Rien ne s’est passé comme prévu", a noté une personnalité de l'exécutif dans les colonnes du Figaro.