Marine Le Pen ne débat bien... qu'avec elle-même

Hervé Gattegno - -
Que Marine Le Pen soit une bonne oratrice, personne ne le conteste. Face aux journalistes, elle a aussi des automatismes, de l’expérience – moins que son père, mais assez pour éviter les pièges. Elle n’est pas traqueuse mais truqueuse. Elle brandit des chiffres invérifiables, esquive les questions d’une pirouette, se lance dans de longs monologues. Mais ce qui était frappant, c’était de la voir difficulté dans les séquences de débat, face à Malek Boutih et à Bruno Le Maire. Ce n’est pas un exercice si fréquent et elle donnait l’impression d’être mal à l’aise dans la confrontation directe. Sur le fond, on sait qu’elle n’est pas à une contradiction près – mais visiblement, elle n’aime pas être contredite.
Qu’est-ce qui vous fait dire qu’elle n’était pas à son avantage face à Malek Boutih et à Bruno Le Maire ?
Ils ont été plus maitrisés, plus directs, plus efficaces qu’elle. M. Boutih a mis en évidence – avec ferveur mais sans agressivité ni anathème – que le FN prône l’intolérance jusque dans son programme. B. Le Maire – moins lyrique mais méthodique – a insisté sur le « défaitisme » qui est au cœur du discours lepéniste, ce catastrophisme prédit toujours le pire. Il a eu raison, par exemple, de rappeler que M. Le Pen annonce depuis 4 ans que la fin de l’euro est imminente – l’euro est toujours là. Face à cela, elle a surtout répondu par des sourires forcés et des échappatoires… Ça n’a échappé à personne.
Qu’est-ce que vous déduisez, politiquement, de ce malaise que vous décrivez ?
Marine Le Pen a une vraie difficulté à défendre des positions qui, sous les allures d’un projet idéologique cohérent sont en réalité un patchwork d’idées populistes. On l’a vu sur le mariage gay : elle est contre mais pas assez pour défiler… Et puis elle se dit antilibérale mais épouse le discours libéral sur l’automobile – et oublie que le FN de son père était ultra-libéral… La vraie continuité lepéniste est là : c’est un parti qui a toujours fédéré des courants très différents, voire opposés (militants de la laïcité et cathos tradis), mais dont le point commun est la radicalité. Marine Le Pen défend l’identité française mais le FN se cherche toujours une identité.
Au total, pensez-vous que Marine Le Pen a perdu des points dans cette émission ?
Elle n’en a pas gagné. Avant d’espérer conquérir le pouvoir, elle doit conquérir une crédibilité et sur ce terrain, elle n’a pas avancé d’un pouce. Un sondage récent montre que le FN fait de moins en moins peur, que ses idées apparaissent de mois en moins inacceptables, mais qu’une immense majorité rejette les solutions qu’il propose. La prestation de Marine Le Pen n’aura sûrement pas inversé la tendance. La question lui a été posée hier de savoir si le FN est toujours un parti d’extrême droite – sans doute. Ce qu’on a vu, surtout, c’est que sa présidente n’est pas toujours extrêmement adroite.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 22 février.