BFMTV
Politique

Marine Le Pen a pris ses désirs (tactiques) pour des réalités (électorales)

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Malgré la crise de l’UMP, ses candidats ont obtenu de bons scores au 1er tour des législatives partielles d’hier. Le FN, qui espérait en profiter à Béziers, subit un échec qui ne vous surprend pas.

C’est la leçon la plus intéressante des scrutins de dimanche. Que le PS marque le pas 6 mois après sa victoire, c’est tout sauf une surprise. Que l’UMP fasse mieux que résister, ça montre que le pataquès interne et la guerre Copé-Fillon touchent moins l’électeur qu’on ne le croit – surtout loin de Paris. Mais on a tellement entendu que cette crise à l’UMP favorisait nécessairement le FN qu’il faut avoir l’honnêteté de constater que c’était faux. Marine Le Pen a proclamé que les déçus de la droite faisaient la queue pour adhérer au FN. Il faut croire qu’ils n’ont pas fait la queue pour aller voter…

Vous pensez qu’en réalité, la situation politique ne lui profite pas ?

Le FN reste confronté à cette limite : il n’apparaît pas comme une alternative crédible. Le discrédit des partis de gouvernement (l’UMP qui se déchire et le PS qui déçoit) devrait lui ouvrir une voie royale – c’est plutôt une impasse. Marine Le Pen est pourtant dans une période faste : elle a été reçue à l’Elysée pour commenter le rapport Jospin, choisie par France 2 pour débattre avec Manuel Valls. La dédiabolisation se poursuit. Samedi, elle a prétendu que dans l’Hérault le FN pouvait dépasser l’UMP – à l’arrivée, elle a 20 points de retard ! La réalité, c’est que ce qui est mis en doute dans les deux grands partis, c’est la capacité à changer les choses, mais en menant des politiques réalistes tout en tenant un discours de vérité. C’est une capacité qui est encore moins reconnue au FN qu’au PS et à l’UMP.

Est-ce que ça signifie que le FN ne peut pas espérer continuer sa progression d’ici aux municipales de 2014 ?

Le FN se nourrit surtout du catastrophisme ambiant, notamment celui des médias. Que le FN gagne du terrain depuis 30 ans, c’est indéniable. Mais qu’il soit toujours présenté comme le bénéficiaire des situations de crise, ça relève à la fois du sensationnalisme et du masochisme – en tout cas pour ceux qui ne partagent pas ses idées. Hier, le politologue Dominique Reynié expliquait dans le JDD que le contexte pouvait permettre au FN de « franchir une étape » pour devenir « la 1ère force d’opposition » ; le journal a titré « la 1ère force d’opposition », comme si c’était déjà fait ! Ces élections partielles montrent que c’est loin d’être le cas.

On peut quand-même objecter que ce ne sont que des scrutins locaux, avec en plus une très forte abstention, et qu’il est donc difficile d’en tirer des conclusions trop générales…

C’est vrai. Mais si le FN avait crevé l’écran, les analystes ne se seraient pas gênés pour en tirer des leçons nationales. Donc ce n’est qu’une indication, mais elle contredit nettement le triomphalisme de Marine Le Pen. D’ailleurs, les spécificités locales ne jouent pas toutes pour le FN. Sa candidate s’était présentée en juin dans la circonscription voisine et c’est son compagnon qui était en lice à Béziers : népotisme et opportunisme, ce sont des mœurs politiques que le FN combat en général … chez les autres. Et dans cette circonscription, la droite était dispersée en juin ; il n’y a plus qu’un candidat, qui a fait campagne sans le logo de l’UMP ni aucun soutien national. C’est la preuve que l’UMP peut se fracturer au sommet et se rassembler dans les urnes. Pas du tout le genre de signe qui va ramener Jean-François Copé et François Fillon à la raison…

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 10 décembre.

Hervé Gattegno