Macron reconnaît la responsabilité de l'Etat dans la mort de Maurice Audin lors de la guerre d'Algérie

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Non, Maurice Audin, militant de la cause de l'indépendance algérienne, ne s'est pas simplement évadé lors d'un transfert après son interpellation par des soldats français, oui, il a bien été arrêté, torturé et tué par des éléments de l'armée française. C'est en substance le contenu de la déclaration émanant de l'Elysée, et dont Le Monde s'est fait l'écho ce jeudi matin.
Dans celle-ci, on peut lire: "Le président de la République a (…) décidé qu’il était temps que la Nation accomplisse un travail de vérité sur ce sujet. Il reconnaît, au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile."
Les individus et le système
Pour le chef de l'Etat, l'affaire Audin est affaire d'individus mais aussi le fruit de la politique mise en place par les autorités publiques à l'époque. "Si la mort de Maurice Audin est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système légalement institué : le système “arrestation-détention”, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période", est-il dit.
Le 11 juin 1957, en pleine guerre d'Algérie, Maurice Audin, mathématicien, adhérent du Parti communiste algérien, et indépendantiste farouche, était arrêté à son domicile algérois. Dès lors, il avait disparu, corps et biens. Une poignée de jours après son interpellation, Josette Audin s'entend dire que son époux s'est évadé au cours d'un transfert. En 1963, un acte de décès est cependant délivré, comme le relève ici France Inter.
Le combat d'une veuve
Mais Josette Audin savait bien qu'elle était veuve. Elle avait adressé un courrier à Nicolas Sarkozy, qui n'y avait pas répondu. en 2014, François Hollande avait lui posé que Maurice Audin ne s'était pas évadé mais était mort en prison. Il n'allait pas plus loi pourtant, la même année, on exhumait un enregistrement sonore où le général Aussaresses, mort en 2013, disait: "On a tué Audin (...). On l'a tué au couteau pour faire croire que c'était les Arabes qui l'avaient tué". Il soulignait aussi qu'il avait lui-même donné l'ordre de procéder à l'exécution.
Il semble que la rencontre de Josette Audin, aujourd'hui âgée de 87 ans, avec Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, par l'entremise du mathématicien et désormais député Cédric Villani, ait eu finalement plus de succès. Le parlementaire et l'un de ses confrères communistes de l'Assemblée nationale, Sébastien Jumel, ont enfin demandé en février dernier au président de la République de reconnaître la responsabilité de l'Etat dans le sort de Maurice Audin. Emmanuel Macron doit également rendre visite à Josette Audin, aux alentours de 13h30. C'est à cette occasion qu'il doit placer entre ses mains la déclaration reconnaissant l'implication directe de membres de l'armée dans la mort de son défunt mari.
Une réponse à La Question
"Emmanuel Macron va reconnaître, et c’est pour moi historique, la responsabilité de l’Etat dans cette disparition, que la vérité c’est que Maurice Audin faisait partie de ceux qui ont été victimes d’un système, et le président de la République également s’attachera à faire de ce moment un moment non pas d’accusation mais un moment de vérité, où on regarde l’histoire en face et on prend bien garde à ne pas jeter le blâme sur tout le monde sans distinction mais où on invite tout le monde à parler et à panser les plaies", a d'ailleurs loué Cédric Villani ce jeudi matin sur France Inter.
Le sommet de l'Etat a aussi décidé de déverrouiller l'ensemble des archives étatiques portant sur les disparus de la guerre d'Algérie.
Jusqu'ici l'un des documents cardinaux sur ces arrestations suivies de sévices et parfois de disparitions était le livre écrit par le journaliste communiste Henri Alleg, La Question, après sa propre détention assortie de séances de tortures. Henri Alleg avait été arrêté par les parachutistes le 12 juin 1957, au domicile de Maurice Audin, cueilli la veille. Henri Alleg avait eu plus de chance dans son malheur que son ami. Il avait, lui, survécu avant de s'éteindre il y a cinq ans.