PORTRAIT - Patrick Buisson, barré à droite

L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et président de la chaîne Histoire, Patrick Buisson. - -
"Détestable", "médiocre", "répugnant". L’UMP n’a pas de mots assez durs pour qualifier l’attitude Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, devenu l’ennemi public numéro 1 pour avoir enregistré des conversations, rendues publiques mercredi, de l’ancien président de la République avec lui-même, d’autres conseillers ou encore son épouse Carla Bruni.
Ce n’est pas tant la teneur des propos que la méthode qui insupporte ceux qui ne s'étaient pas indignés lors de la campagne de 2012 contre la stratégie de droitisation du discours de l'UMP mise en place par ce même Patrick Buisson.
L'histoire de Nicolas Sarkozy avec ce féru d'Histoire, auteur d'un livre sur Céline avec le comédien Lorant Deutsch, ne date pas de cette dernière présidentielle mais du referendum de 2005 sur le traité européen remporté par le "non". Les prédictions du résultats étalées par Patrick Buisson ont charmé le ministre de l'Intérieur d'alors.
Guaino à gauche, Buisson à droite
En 2007, Patrick Buisson, l’anti-européen convaincu, transforme l’essai et se voit invité à la table du pouvoir. "A ma gauche j’ai Guaino, à ma droite Buisson", expliquait Nicolas Sarkozy peu après son élection rapporte Le Monde de l'époque. Entre la plume séguiniste et le sexagénaire au crâne largement dégarni depuis de longues années, diplômé d’Histoire, de Lettres et biberonné à l’Action française et aux écrits de Charles Maurras le contraste est saisissant. Si le premier est fidèle, le second reste influent auprès du chef de l’Etat. Surtout dans les coups durs.
Le ministère de l’identité nationale, c’est lui. Le discours de Grenoble sécuritaire et vindicatif contre les Roms? On y retrouve toutes ses idées détaillait Rue89 en 2010. Décoré de la Légion d’honneur, le précieux conseiller ne manque jamais d’arriver aux réunions les bras emplis de dossiers, de notes et d’études chiffrées. Sa méthode plaît à Nicolas Sarkozy et ses idées et sa persuasion font des émules à l’UMP. Ainsi le courant de la Droite forte, dirigé par Guillaume Peltier, se revendique "d’inspiration buissonienne". "Il est supérieurement intelligent" estimait aussi son acolyte Geoffroy Didier dans Marianne en octobre 2012.
Un sentiment partagé d’ailleurs par Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Luc Mélenchon ou encore Jean-Marie Le Pen, assurait Télérama en 2009. On prête aujourd’hui à Patrick Buisson l’ambition de coacher la jeune députée frontiste Marion-Maréchal Le Pen, petite-fille du fondateur du FN et nièce de l’actuelle présidente.
Journaliste à "Minute" et "Valeurs actuelles"
Avant l’épisode sarkozyste, Patrick Buisson, fils d'un ingénieur d'EDF, a connu plusieurs vies: journaliste et directeur de la rédaction de Minute et du conservateur Valeurs actuelles, il rejoint LCI au début des années 2000 avant de prendre la tête de la chaîne Histoire, qui appartient aussi au groupe TF1, en 2007.
A l’hebdomadaire d’extrême droite on se souvient de l’un ses faits d’arme: jeune journaliste politique il décide de rompre avec la tradition de Minute pour se faire accréditer à l’Elysée. Il est aussi en pointe des "combats" du journal lorsqu’il s’agit de révéler l’existence de Mazarine Pingeot, fille cachée de François Mitterrand, ou de minimiser la responsabilité policière dans l’agression mortelle de Malik Oussékine en 1986.
Le rêve d'une droite unie
Patrick Buisson a également conseillé politiquement Philippe De Villiers (1994-1995) ou encore le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (dans les années 80 contre Gaston Deferre et le FN pour les régionales de 1986) avant de connaître intimement les ors élyséens et d’avoir une ligne directe avec le président de la République.
Son crédo à chaque fois? Un pays qu’il entend catholique par nature - par opposition à une islamisation supposée - dans un discours qui dénonce les "élites" et le "système". "Une croisade politique" critiquée par son fils en personne dans une tribune en juin 2013. Mais, surtout, Patrick Buisson rêve d’une droite française unie, c’est son grand dessein, son "Parti de la France", rapporte le Nouvel Observateur.
Rattrapé par la justice?
Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson doit faire face "aux affaires" et aux critiques. Il est suspecté par la justice d’avoir favorisé sa société Publifact dans l’obtention d’études et de sondages par la présidence de la République. Ses rencontres avec le possible candidat UMP de 2017 se font plus rares. Elles devraient disparaître à présent.
Déjà clivant au sein du principal parti d’opposition, "illuminé" pour Frédéric Mitterrand, "nocif" pour l’ancien ministre François Baroin, Patrick Buisson vient de porter un nouveau coup à l’UMP. Pour mieux le détruire? Cette fois ce sera de l’extérieur.