20 ans après, que reste-t-il des années Chirac?

Jacques Chirac a été élu président de la République il y a 20 ans. - Joël Saget - AFP
Il y a 20 ans, Jacques Chirac était élu président de la République. Le 7 mai 1995, poursuivi par des motards des télévisions françaises, il ose passer une main à la vitre et sourit. C'est le début de 12 ans à l'Elysée. Douze ans de pouvoir, de victoires, de défaites et de combats personnels. Petite sélection de dix héritages de l'ère Chirac.
> Le service militaire abrogé
22 février 1996. Jacques Chirac lance un "grand débat national" sur la professionnalisation des armées. Après des pérégrinations politiques, la loi paraît au Journal officiel le 8 novembre 1997. Elle instaure la suspension de la conscription pour tous les jeunes nés après 1979. Elle est remplacée par la JAPD, la journée d'appel de préparation à la défense - devenue une "journée d'orientation" sous François Hollande.
> La reprise des essais nucléaires
Le 13 juin 1995, Jacques Chirac relance les essais nucléaires et ordonne une dernière campagne dans le Pacifique. Elle doit compléter les données scientifiques et techniques pour passer définitivement à la simulation. Il y a aura six essais: le dernier a lieu le 27 janvier 1996 à Fangataufa. Plusieurs pays, dont le Japon et la Nouvelle-Zélande, condamnent l'action de la France.
> Le discours du Vel d'Hiv'
Le symbole est puissant. Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac rompt avec la position de ses prédécesseurs et reconnaît la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d'hiv' et dans la Shoah. "Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français", dit-il lors d'un discours historique.
> La dissolution de l'Assemblée
Parmi les grandes décisions politiques de Jacques Chirac, c'est sans doute la plus surprenante. Le 21 avril 1997, alors que sa majorité ne tient plus qu'à un fil, le Président décide de dissoudre l'Assemblée nationale. Erreur stratégique: le PS sort vainqueur des élections législatives qui suivent, entraînant une cohabitation entre Jacques Chirac et son nouveau Premier ministre, Lionel Jospin. Jacques Chirac est le seul président de la Ve République à avoir connu deux cohabitations, avec les deux facettes du rôle: dans l'opposition en 1986, il avait été nommé Premier ministre par François Mitterrand.
> La réélection du 5 mai 2002
Une réélection sans gloire. Le 21 avril 2002, Jacques Chirac arrive en tête de l'élection présidentielle, devant Jean-Marie Le Pen. Le résultat du premier tour, qui disqualifie tous les candidats de gauche et portent le candidat d'extrême droite au second, déclenche un séisme politique. Le 1er mai 2002, plus d'1,3 million de personnes manifestent dans toute la France. A l'exception de Lutte ouvrière et du MNR, l'ensemble de la classe politique appelle à voter Jacques Chirac au deuxième tour. Il est réélu avec 82,21% des voix. Jean-Pierre Raffarin devient Premier ministre.
> Cancer, handicap: des combats personnels
Pendant ses 12 ans à l'Elysée, Jacques Chirac mène de nombreux dossiers de front. Mais il s'attache aussi à défendre trois causes: la lutte contre le cancer, l'insécurité routière et le handicap. Le 24 mars 2003, il lance le premier plan cancer, destiné à améliorer la recherche et la prise en charge des malades. Un plan renouvelé depuis par ses successeurs à l'Elysée. Quant à la lutte contre l'insécurité routière, elle est désignée le 14 juillet 2002 comme l'un des "trois grands chantiers" de son quinquennat, avec la lutte contre le cancer et l'insertion des handicapés.
> Le "non" à la guerre en Irak
Plus de deux ans après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, les Etats-Unis décident d'attaquer le régime de Saddam Hussein en Irak, qu'ils accusent de posséder des armes de destruction massive. Le 10 mars 2003, après le discours très applaudi de Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères français, devant l'ONU, Jacques Chirac confirme dans une interview télévisée sa détermination à tout faire pour empêcher une guerre contre l'Irak, quitte à utiliser un veto de la France au Conseil de sécurité des Nations unies. Le 20 mars 2003, l'opération Iraqi Freedom est lancée par les Etats-Unis, sans la France. Le refus de Jacques Chirac reste comme l'une de ses décisions capitales en termes de politique étrangère.
> Le musée des arts premiers
A chaque président français ses grands travaux à visée culturelle. Georges Pompidou a fait ériger un musée d'art moderne, François Mitterrand la Bibliothèque nationale de France et la pyramide du Louvre... Passionné d'arts premiers, Jacques Chirac fait ériger le musée des arts premiers du quai Branly par Jean Nouvel. Il est inauguré le 20 juin 2006. C'est dans ce musée qu'est remis le prix de la fondation Chirac tous les ans.
> Les anciens combattants
En septembre 2006 sort le film Indigènes, primé à Cannes, qui raconte la Seconde guerre mondiale vécue par des combattants algériens. Le couple Chirac visionne le film en compagnie de son réalisateur, Rachid Bouchareb, et d'un des acteurs, Jamel Debbouze. Bernadette Chirac en sort émue, et glisse: "Jacques, il faut faire quelque chose!" Le 27 septembre 2006, le chef de l'Etat fait annoncer par son ministre des Anciens combattants que les anciens combattants des colonies allaient percevoir les mêmes pensions que les Français. "Un acte de justice et de reconnaissance", selon lui. La loi prend effet dès 2007.
> Les affaires
Le bilan de Jacques Chirac est aussi teinté d'ombres. Dès son arrivée au pouvoir, son nom est cité dans plusieurs affaires judiciaires. Une instruction est ouverte le 6 janvier 1999 dans l'affaire des chargés de mission de la ville de Paris. Dix ans plus tard, le 18 décembre 2009, il est mis en examen par le juge de Nanterre, Jacques Gazeaux, dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Le 15 décembre 2011, il est déclaré coupable de détournement de fonds publics et abus de confiance, et condamné à deux ans de prison avec sursis. Jacques Chirac est le premier président de la Ve République à être condamné en correctionnelle.