Municipales à Paris: l'investiture LaREM va-t-elle tourner au pugilat?

Mounir Mahjoubi et Benjamin Griveaux lorgnent tous deux sur la mairie de Paris. - Patrick KOVARIK / AFP
La course à l'investiture de La République en marche pour les prochaines élections municipales, à Paris, ressemble à s'y méprendre à un scénario issu de "l'ancien monde". Confirmé jeudi, le choix du parti présidentiel de désigner son candidat après avoir auditionné, dès le 9 juillet, les six postulants, fait sérieusement ruer dans les brancards.
Aux yeux de la plupart des concurrents, il s'agit là d'un processus visant à sécuriser l'adoubement de Benjamin Griveaux, ex-porte-parole du gouvernement et, surtout, proche du délégué général de LaREM Stanislas Guerini. Un verrouillage digne, d'après eux, de ce que pouvait orchestrer la droite parisienne aux grandes heures de la chiraquie, dans les années 80-90.
"Stratégie d'impuissantement"
Quatre des autres prétendants, Hugues Renson, Cédric Villani, Mounir Mahjoubi et Anne Lebreton, ont choisi de riposter via une tribune parue dans Le Journal du Dimanche. Ils exigent qu'une "consultation citoyenne", aux contours flous, soit organisée pour départager tout le monde. À la loyale, pensent-ils, en incluant éventuellement des candidats extérieurs mais issus de la même sensibilité politique, comme Pierre-Yves Bournazel (Agir) ou Gaspard Gantzer, l'ex-conseiller presse de François Hollande qui se présente sous la bannière "Parisiennes, Parisiens".
Le courrier adressé le 13 juin par LaREM aux six intéressés avait d'ores et déjà exclu cette hypothèse. Ils demeurent conviés à un oral devant la commission nationale d'investiture (CNI) mise en place par le mouvement pour les municipales de 2020. Elle est présidée par le duo Marie Guévenoux-Alain Richard. L'une est ex-juppéiste, députée de l'Essonne et membre du bureau exécutif de LaREM, l'autre est sénateur et ancien ministre de la Défense de Lionel Jospin. Des figures d'autorité.
"La CNI, c'est l'ADN d'En Marche", martèle le sénateur de Paris Julien Bargeton, ex-candidat à l'investiture. Soutien de Benjamin Griveaux, il déplore la "stratégie d'impuissantement" mise en œuvre par ses rivaux. "À part affaiblir le mouvement, je ne vois pas ce qu'ils veulent", soupire-t-il auprès de BFMTV.com. Le sixième postulant, l'écologiste Antonio Duarte, est sur la même ligne, estimant "nécessaire de démarrer la séquence municipale rapidement". Il n'a pas signé la tribune du JDD.
"Ils semblent l'avoir oublié, mais tous les députés marcheurs sont passés par là aux dernières législatives. La CNI est composée de gens compétents, qui voient les sondages et la capacité des uns et des autres à rassembler. Il faut leur faire confiance", abonde Julien Bargeton.
Hidalgo en position de force
L'ex-chiraquien Hugues Renson, l'un des postulants, ne l'entend pas de cette oreille. Samedi dans L'Obs, il qualifie d'"erreur" le choix de procéder ainsi:
"Comment, dans ces conditions, prendre le temps d’installer des débats de fond et créer une dynamique qui nous soit favorable? Qu’est-ce qui justifie cette précipitation?"
À défaut de la justifier, plusieurs éléments l'expliquent. Pour Benjamin Griveaux d'abord, il s'agit d'être le candidat incontesté de la macronie face à une Anne Hidalgo qui, à neuf mois de l'échéance, a trouvé un second souffle. Les premiers sondages, parus au printemps, l'ont placée en tête des intentions de vote, devant Les Républicains et LaREM... quel que soit le candidat. Car derrière la fronde des anti-Griveaux, il y a le sentiment diffus que l'ancien membre du gouvernement n'est pas le marcheur en capacité de "rassembler". C'est, entre les lignes, le raisonnement qu'a tenu Mounir Mahjoubi auprès du Figaro vendredi.
Anne Hidalgo a par ailleurs eu de quoi se réjouir lors des élections européennes: hormis dans les arrondissements traditionnels de la droite, où il a littéralement remplacé LR, le parti présidentiel a reculé quasiment partout dans la capitale. L'essentiel de l'est parisien, ainsi qu'une partie du centre, qui avaient massivement voté pour Emmanuel Macron en 2017, ont glissé un bulletin écologiste le 26 mai dernier. De quoi conforter la maire sortante dans son positionnement rose-vert.
C'est là le second élément qui explique la précipitation, et qui découle d'un impératif élyséen. Dépourvu de maillage territorial, Emmanuel Macron aura à la fois besoin, en mars prochain, de tisser une toile large via un mélange de listes autonomes et d'alliances locales... et de décrocher quelques trophées visibles. À savoir, des grandes villes, si possible la plus grande d'entre elles.
"D'autant qu'une campagne municipale à Paris, c'est une mini-présidentielle, une machine énorme à mettre en place, où l'été est une période cruciale", prévient Julien Bargeton. "Et Anne Hidalgo, vous allez voir, elle va faire une proposition par jour. Elle a 55.000 agents à sa disposition, un cabinet, des communicants... Elle se prépare, il ne faut pas s'y tromper. On ne peut pas rester les bras ballants."
L'épouvantail des primaires présidentielles
Les choses paraissent mal emmanchées. Dès la publication du fameux courrier de Stanislas Guerini fixant les règles de désignation du candidat LaREM à Paris, les esprits se sont échauffés. Benjamin Griveaux estime qu'il est normal d'aller vite et n'hésite plus à tancer ses adversaires:
"Ceux qui ne se résolvent pas au fait qu’il y en a qui ont travaillé et rassemblé depuis longtemps se disent que la division est la planche de salut", a-t-il grincé auprès du Figaro, en réaction aux multiples appels à une primaire.
En clair, d'après l'ancien secrétaire d'État, si LaREM se tire une balle dans le pied dans la capitale, ce ne sera pas de sa faute. D'autant que le souvenir des primaires LR puis du Parti socialiste en amont de la dernière présidentielle, avec leur effet délétère sur les deux camps, est gravée dans les mémoires.
"Si on fait une primaire à Paris, une 'consultation' comme ils disent, alors quoi? On va en faire une à Marseille aussi? À Besançon, où ça s'annonce compliqué pour nous? Ça n'a pas de sens", s'étrangle-t-on dans le camp Griveaux.
Le même destin que la droite parisienne?
Qu'importe, les candidats pro-consultation poursuivent leur démarche. S'y ajoute, de surcroît, le spectre d'une candidature dissidente du mathématicien Cédric Villani, apparemment déterminé à défendre sa candidature face à des électeurs, quels qu'ils soient.
Le mouvement macroniste va-t-il connaître le même destin que la droite en 2001 face à Bertrand Delanoë? En bonne position dans les sondages, le RPR parisien avait implosé sous le poids de ses divisions internes, notamment entre Jean Tiberi et Philippe Séguin. Depuis, la droite n'a plus jamais réinvesti l'Hôtel de Ville. Un élu LaREM de la capitale, qui a bien connu cette époque, aimerait éviter ce scénario:
"On ne va tout de même pas reprendre le titre du mouvement le plus bête du monde à Paris..."