La réponse de Mamère à Zemmour

Eric Zemmour, invité de BFMTV en mars 2013. - BFMTV
Noël Mamère, député écologiste de Gironde, Patrick Farbiaz, attaché parlementaire, militant écologique et altermondialiste, n'entendent pas laisser Eric Zemmour occuper seul le débat d'idées sur l'avenir de la France et le terrain médiatique. Ensemble, ils ont décidé de répondre aux "thèses déclinistes" du best-seller Le suicide français (Albin Michel) avec un petit ouvrage de 80 pages nommé sans ambiguïté Contre Zemmour (Les petits matins, parution le 27 novembre).
Dans cet ouvrage, les auteurs s'interrogent d'abord sur le succès d'un livre qui concurrence, en librairie, Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiler.
"Pourquoi ce qui n’est somme toute qu’un gros pamphlet réactionnaire suscite-t-il cet engouement? C’est qu’il répond à la désorientation idéologique par une affirmation identitaire reposant sur des présupposés simplistes, mais efficaces", avancent les deux auteurs.
Zemmour, un antisystème? "De l'usurpation d'identité"
Pour Noël Mamère et Patrick Farbiaz, Eric Zemmour opère depuis quelques années une patiente et méthodique montée en puissance pour diffuser ses thèses lors de "dérapages de moins en moins contrôlés". Les auteurs relèvent ainsi trois étapes, selon eux marquantes dans le plan média au long cours d'Eric Zemmour.
La première remonte au 6 mars 2010 sur le plateau de "Salut les Terriens", l'émission de Thierry Ardisson sur Canal+. Eric Zemmour assure alors que "la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c'est comme ça, c'est un fait". Une autre étape est encore franchie, selon les auteurs, avec, le 23 mai 2012 sur RTL, la critique de la réforme pénale de Christiane Taubira qualifiée en substance de "laxiste". Mais le point d'orgue viendra avec la polémique sur Pétain "sauveur des juifs", ou du moins d'une partie d'entre eux, thèse qualifiée en introduction de l'ouvrage comme participant d'un "révisionnisme historique".
"En nous livrant, dans le plus pur style de la théorie du complot, une histoire de la France contemporaine qui part d’exemples de mythologies barthiennes issus du cinéma, de la télévision, de la littérature, de la philosophie ou de la chanson de variétés, Éric Zemmour nous propose un grand récit collectif de la France sur le mode "antisystème". Pourtant celui qui écrit au Figaro magazine, émarge à RTL, à Paris-Première et à i-Télé est tout sauf extérieur à la classe politico-médiatique.(…) C'est de l'usurpation d'identité", écrivent les deux auteurs.
Une déconstruction en règle du Suicide français
La suite de l'ouvrage est présentée comme une déconstruction des thèses "zemmouriennes" dans ce "miroir idéologique de nos impuissances" que figurerait Le suicide français. La vision de l'histoire de France portée par le polémiste de droite est reléguée ici au rang de "prêt à penser". Contre Zemmour fustige alors le "déclinisme, mal bien français", l'utilisation systématique d'une "peur compassionnelle" qui utilise "systématiquement le fait divers" et assène des vérités.
Aussi, la "peur de la perte d'une France qui n'existe que dans ses fantasmes". La haine de Mai-68 qui figure en bonne place dans l'argutie zemmourienne est bien entendu réhabilitée par les auteurs qui moquent au passage la "lecture enfiévrée" que fait a posteriori Eric Zemmour, né en 1958, de ces événements. Enfin le style, autrement dit la rhétorique, qui procède par "une comparaison victimaire typique du discours de droite et d'extrême droite" est dénoncé par des auteurs.
La deuxième partie est une attaque ad hominem de ce que les auteurs appellent les "obsessions d'Eric" listées dans Le suicide français: "Ces associations humanitaristes, lobbies antiracistes, gays, féministes, communautaristes, qui vivent des subventions publiques distribuées par un Etat aboulique (…) ces médias bien-pensants, technocrates, intellocrates, médiacrates, sociologues, démographes, économistes, qui prétendent encore faire l’opinion à coups de leçons de morale et de statistiques arrangées".
Les auteurs tirent la conclusion que le "récit de pacotille" du Suicide français "raconte un mythe, non pas décrypté avec ironie, comme chez Roland Barthes, mais revu et corrigé à travers sa loupe maurassienne".
En troisième partie, l'ouvrage explique comment mener la guerre idéologique contre "Zemmour, le pollueur d'âmes" ou encore "éviter la contagion Zemmour". Des pistes pour opérer une révolution "en empruntant le long chemin d'une reconstruction intellectuelle".