Motion de censure contre Bayrou: LFI accuse le PS de s'être "rangé du côté d'Emmanuel Macron"

Jean-Luc Mélenchon et Mathilde Panot lors de la manifestation le 1er mai 2023 (photo d'archives) - Geoffroy Van der Hasselt / AFP
Le procès en trahison intenté par les insoumis aux socialistes depuis plusieurs semaines a rendu son verdict ce jeudi 17 janvier: en ne votant pas la censure présentée à leur initiative, ces derniers sont coupables, selon eux.
Le crime? Celui de "fracturer" le NFP, pour reprendre les mots du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Le même soulignant, peu avant le vote, que les trois autres groupes de gauche - le sien, ainsi que ceux des écologistes et des communistes - se prononceraient pour la disposition. Celle-ci n'a finalement recueilli que 131 voix sur les 288 nécessaires à son adoption.
À l'issue de la séance, Mathilde Panot enfonce le clou depuis l'Assemblée nationale. "Aujourd'hui, le Parti socialiste a choisi de se ranger du côté du problème, du côté d'Emmanuel Macron", acte la cheffe de file des députés insoumis.
"Tu ne dois pas être très à l'aise"
S'en suit un échange salé sur BFMTV entre le coordinateur de LFI Manuel Bompard et le socialiste Jérôme Guedj. Pas un député PS comme un autre: entre lui et les insoumis les tensions sont criantes depuis les attaques terroristes du Hamas contre Israël.
Au point que l'élu de l'Essonne, anciennement proche de Jean-Luc Mélenchon lors de leur temps commun au PS - avait refusé l'investiture du Nouveau Front populaire aux élections législatives de juillet dernier.
Sur notre plateau, il ne goûte que très peu aux attaques contre sa formation: "personne n'est là pour me donner des brevets de bon(ne) ou de mauvaise gauche. De traîtrise ou de loyauté. La loyauté pour La France insoumise, ça s'appelle la soumission".
Quelques minutes plus tard, Manuel Bompard est en duplex depuis l'Assemblée nationale. "Quand on est dans l'opposition au gouvernement, on empêche sa politique d'être mise en œuvre", déclare-t-il avant de lancer au socialiste: "tu ne dois pas être très à l'aise dans tes baskets ce soir." Réponse de l'intéressé: "je ne supporte pas les donneurs de leçons".
Les insoumis ont poussé les socialistes à la censure
L'aboutissement de semaines de tensions. Elles ont vu le jour au moment des consultations avec le nouveau gouvernement puis se sont accentuées à mesure que les socialistes - rejoints à la table des négociations par les communistes et les écologistes - travaillaient à un accord de non-censure.
Face à cette perspective, les insoumis n'ont pas ménagé leur effort pour pousser les socialistes à se ranger derrière la censure. Ceux qui ne voteront pas la motion "auront rompu" avec l'alliance des partis de gauche, mettait en garde Manuel Bompard ce mardi. Le même jour, Jean-Luc Mélenchon menaçait de mettre des "options" sur les circonscriptions des députés récalcitrants. Autrement dit, de présenter des candidats face à eux en cas de législatives anticipées.
Raté, même si 8 des 66 députés socialistes ont voté la censure. Il faut dire que la demande centrale d'une abrogation de la réforme des retraites, puis d'une "suspension" de cette loi, a finalement débouché sur un "conclave" entre les partenaires sociaux annoncé par François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale ce mardi. Le Premier ministre précisant par ailleurs que, faute d'accord, la réforme actuelle s'appliquerait. Loin de ce qu'espéraient les roses.
Plusieurs concessions de François Bayrou
Ils ont néanmoins amené le Premier ministre a en faire un peu plus ces derniers jours. Dans un courrier ce jeudi, il a acté deux concessions promises la veille. Sur les retraites, la réunion des partenaires sociaux en "conclave" aboutira à un "nouveau projet de loi", même si ces derniers "ne parviennent pas à un accord global".
Les "avancées" issues de ces travaux pourront être présentées, "sous réserve d'un accord politique et d'un équilibre financier maintenu".
Concernant l'Éducation nationale, l'abandon de la suppression de 4.000 postes d'enseignants est confirmée, de même que la création de 2.000 postes supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap.
Autre geste du Premier ministre, en dehors de ceux déjà actés par son prédécesseur Michel Barnier: il accepte de renoncer à l'allongement du délai de carence d'un à trois jours en cas d'arrêt maladie pour les fonctionnaires. Tout en confirmant, côté fiscal, le projet de taxe sur les hauts revenus.
"Arracher jour après jour toutes les victoires possibles"
Suffisant pour les socialistes afin de ne pas censurer, du moins pour l'instant. Ils s'émencipent de fait des insoumis, tout en espérant peser davantage lors des discussions budgétaires. A la tribune de l'Assemblée nationale, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a continué de creuser son sillage ce jeudi, lui qui distinguait la "gauche qui travaille" de celle "qui braille" au micro de BFMTV mardi.
"Notre vocation n'est pas toujours de nous limiter à prendre date, en attendant toujours la prochaine élection. Elle est d'arracher jour après jour toutes les victoires possibles", a-t-il lancé, avant de s'adresser aux insoumis: "si vous pensez que ce que je dis là n'a aucun intérêt pour les Français, qui ne sont pas heureux de voir une gauche qui propose, une gauche qui avance, une gauche qui fait céder le gouvernement, alors dîtes le."
Socieux de clarifier la position de son camp, le député de Seine-et-Marne a martelé: "Nous restons dans l'opposition". En menaçant également de déposer une motion de censure, "si nous avons le sentiment que le débat est vérouillé" sur la réforme des retraites. Là, insoumis et socialistes seraient sûrement sur la même ligne.