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"L'accumulation du ras-le-bol": la jeunesse massifie les cortèges contre la réforme des retraites

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Les lycéens et les étudiants sont descendus en nombre dans la rue pour dire non à la retraite à 64 ans. De quoi inquiéter le gouvernement, qui a peu de relais dans les rangs de la jeunesse. "Ce n'est vraiment pas bon", reconnaît un conseiller ministériel.

Une discrétion dans les cortèges à conjuguer désormais au passé. Depuis le début et la multiplication des mobilisations spontanées de ces derniers jours et la neuvième journée de manifestation ce jeudi, très suivie, la jeunesse est descendue dans la rue. De quoi inquiéter fortement le gouvernement.

"C'est ma première manifestation. Mes parents ne m'en parlent pas trop mais je sais qu'ils sont inquiets de devoir travailler 2 ans de plus et moi aussi ça m'angoisse quand je les vois déjà fatigués à 45 ans", nous a expliqué Noémie, en classe de seconde lors de la mobilisation parisienne.

Et d'ajouter: "je pensais que l'Assemblée nationale, c'était la démocratie. Mais quand je vois que les députés sont contre et que le gouvernement veut quand même passer la loi, je ne comprends pas".

Dans les rangs des manifestants de la capitale, nombreux sont les lycéens et les étudiants à s'étonner de l'activation du 49.3 choisie par le gouvernement pour faire adopter la réforme. Face au risque de rejet des parlementaires, l'exécutif a préféré jouer la carte de la sécurité, quitte à utiliser un symbole dévastateur.

L'échec à seulement 9 voix près d'une motion de censure transpartisane pour renverser Élisabeth Borne a également mis le feu aux poudres. Sans annonce, l'interview d'Emmanuel Macron ce mercredi midi n'a guère calmé le jeu.

"Le gouvernement ne peut pas dire que l'Assemblée nationale est d'accord. 9 voix, c'est rien. Puis le président ne peut faire comme si rien ne s'était passé", avance encore Maël, étudiant en première année de droit en banlieue parisienne.

"Pas de salaire, pas de patron"

Si l'exécutif tablait sur un essoufflement de la mobilisation, sans guère d'autre issue à ce stade pour les opposants à la réforme qu'une très hypothétique censure totale du texte au Conseil constitutionnel, la jeunesse change la donne.

Avec un élément qui pèse également dans la balance pour les lycéens: les épreuves de spécialité du baccalauréat sont désormais terminées. La prochaine épreuve écrite aura désormais lieu le 14 juin.

"On a désormais des gens dans la rue qui n'ont pas besoin d'un salaire pour vivre, pas de patron à qui rendre des comptes et un âge où la révolte est romantique. Le tout avec les beaux jours qui reviennent. Ce n'est vraiment pas bon", reconnaît un cadre de la majorité auprès de BFMTV.com

Le CPE dans toutes les têtes

Et de pointer du doigt un blocage très symbolique: celui de la faculté de droit de Paris-2 ce jeudi - un événement inédit. Cette université, souvent considérée à droite politiquement, n'avait jusqu'ici connu qu'une seule tentative de blocage, vite avortée, en janvier 2020, à l'occasion de la réforme de la retraite à points, finalement reportée.

80 universités et autres établissements de l’enseignement supérieur ont été bloqués, occupés, ou encore ont vu des cours annulés, d'après le décompte de l'UNEF.

De quoi renvoyer les rangs de l'exécutif à l'exemple du Contrat Première embauche (CPE). En janvier 2006, dès l'annonce de ce contrat de travail spécifique aux moins de 26 ans, des millions de personnes dont la plupart avaient entre 18 et 25 ans se mobilisent pour faire retirer ce projet de loi.

"Difficile de le faire rentrer à la maison"

À ces manifestations d'ampleur se greffe alors le blocage d'une quarantaine d'universités dans la durée. Malgré son adoption au Parlement, les grévistes ne désarment pas et obtiennent finalement le retrait du projet de loi.

"Les jeunes n'ont jamais été faciles à faire descendre dans la rue, mais quand ils y sont, c'est difficile de les faire rentrer à la maison. Le CPE a sanctuarisé d'une certaine façon cette règle", décryptait Raymond Soubie, l'ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, au début du mouvement.

Conscient de la menace, le gouvernement a pourtant bien tenté ces derniers jours de déminer la situation. Sarah El Haïry, la secrétaire d'État à la Jeunesse a ainsi assuré que la réforme "était faite pour eux", ce mercredi sur Public Sénat.

Des mobilisations "très loin" de celles contre Parcoursup

Le président a de son côté annoncé vouloir s'appuyer sur "l'école" et "l'écologie" pour créer "une société du mieux-vivre". D'autres relativisent, à l'instar d'Ambroise Méjean, président des Jeunes avec Macron, jugeant les mobilisations dans le monde étudiant "très loin de celle contre Parcoursup".

Si le constat est exact, le nombre de lycées perturbés ce jeudi a été multiplié par 2 ce jeudi par rapport au dernier décompte du 7 mars dernier, d'après les chiffres de l'Éducation nationale.

"On sent très bien qu'on arrive à une accumulation de ras-le-bol de la jeunesse. Précarité, manque de moyens dans les facs, réchauffement climatique et maintenant une retraite qui s'éloigne", explique Imane Ouelhad, présidente de l'UNEF.

En guise de sortie de crise, les jeunes avec Macron appellent à repenser le barème des bourses étudiantes, qui n'ont pas été révisés depuis 2013.

Marie-Pierre Bourgeois