Projet de loi sur la Corse: Bruno Retailleau s'oppose à la "version originelle" du texte

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau lors d'une visite axée sur la lutte contre les tirs de mortier d'artifice et les violences urbaines au commissariat du 20e arrondissement de Paris, le 24 juillet 2025 - Thibaud MORITZ
Le ministre de l'Intérieur a fait part de son opposition au projet de loi initial de révision constitutionnelle sur la Corse, lors du conseil des ministres, ce mercredi 30 juillet. Bruno Retailleau est notamment en "désaccord" avec la "version originelle" du texte qui ne prend pas en compte les modifications proposées par le Conseil d'État.
Bruno Retailleau a regretté que n'aient pas été retenues "les modifications suggérées par le Conseil d'État", qualifiées de "salutaires, compte tenu du risque de fuite en avant que ce texte comporte et qui, du point de vue de nos principes républicains, marquerait un recul".
L'avis du Conseil d'État enlevait notamment la notion de "communauté" corse, "de lien singulier (de cette communauté) à sa terre" et refusait un pouvoir législatif autonome à la Collectivité de Corse.
L'expression "communauté" pointée du doigt
Bruno Retailleau a fait part de son "désaccord", mercredi lors du conseil des ministres, avec le projet de loi initial de révision constitutionnelle sur la Corse n'intégrant pas les modifications suggérées par le Conseil d'Etat.
"Inscrire dans le marbre de notre Constitution l'expression 'communauté historique, culturelle et linguistique ayant développé un lien à sa terre' suggère l'existence d'un peuple corse", poursuit-il.
Il ajoute: "Si nous constitutionnalisons cette notion de communauté au nom de quoi la République refuserait-elle à d'autres ce qu'elle aurait accordé à la Corse?" Pour Bruno Retailleau, cette "reconnaissance" pourrait "tôt ou tard percuter deux piliers de la République", à savoir l'égalité et "les principes d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français."
"Que des frustrations"
Le ministre de l'Intérieur dit craindre également que ce projet de loi "ne suscite, en définitive, que des frustrations" car "il n'existe pas, au Parlement, de majorité qualifiée pour adopter cette révision consitutionnelle".
Bruno Retailleau a également attaqué la "promesse" faite par "la République" tout "en sachant ne pas pouvoir la tenir". Il ajoute: "ce n'est pas la bonne manière de renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leurs institutions."
Le projet de révision constitutionnelle visant à octroyer à l'île "une autonomie dans la République" a été lancé en 2022 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, et ce à la demande d'Emmanuel Macron, pour mettre un terme aux violences sur l'île provoquées par la mort en prison du militant indépendantiste Yvan Colonna.
Emmanuel Macron s'était engagé à soumettre au Parlement le texte, issu d'un accord politique conclu en mars 2024, s'il était validé par l'Assemblée de Corse, qui l'a adopté à l'unanimité moins une voix.
L'avis du Conseil d'État a semé le trouble et le président Les Républicains du Sénat, Gérard Larcher, avait écrit au Premier ministre pour demander que le gouvernement intègre dans le texte l'intégralité des préconisations de l'institution.
Pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle devra être votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, puis, lors de leur réunion en Congrès, à la majorité des trois cinquièmes.