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"Lutter plus efficacement contre les profils comme celui de Mohamed Merah"

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BFMTV.COM a interrogé un spécialiste du renseignement pour évaluer la pertinence du projet de loi antiterroriste évoqué mercredi en Conseil des ministres.

Pourquoi une nouvelle loi antiterroriste ? Face à l’inflation législative qu’a connue la France ces dernières années, certains jugent cette initiative superflue. Pour dépasser le simple débat sur la surenchère imposée par le législateur, nous avons demandé à Louis Caprioli, consultant pour le Groupe GEOS et ancien responsable de la DST, son éclairage sur la nouvelle loi voulue par François Hollande.

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L’arsenal juridique actuel n’est-il pas déjà suffisant pour lutter contre le terrorisme ?

Beaucoup de gens, des experts, certains magistrats s’insurgent contre ce projet de loi, disant que le dispositif législatif français est suffisant pour faire face à toute forme de terrorisme. Je pense, pour ma part, qu’il y avait une faille et que cette loi va permettre de lutter plus efficacement contre ce type d’individu qui, disons-le clairement, a le profil de Mohamed Merah.

C'est-à-dire ?

Jusqu’à présent, les entreprises terroristes démantelées en France mettaient toutes en cause des groupes. Et ils ont dans la plupart des cas été arrêtés avant qu’ils ne commettent un attentat. Or, l’association de malfaiteurs (délit prévu dans les précédents textes, ndlr) ne pouvait pas s’appliquer dans l’affaire Merah. Il était tout seul ou quasiment seul dans la préparation et l’exécution de ses actes. Pour éviter ce type d'attaque, il n'y a pas d'autre moyen que de cibler un individu qui s’est entraîné dans des camps ou a combattu au nom du jihad.

Le projet de cette nouvelle loi antiterroriste ambitionne de mieux "détecter les parcours, individuels ou collectifs, de radicalisation". Mais l’affaire Merah a prouvé qu'un tel suivi existait déjà et n'avait pas empêché ses attaques...

C'est effectivement un fait connu que, depuis des années, des personnes vont s’entraîner dans les terres de jihad, que ce soit en Tchétchénie, en Géorgie, en Irak, voire même en Algérie. Mais une fois revenus en France, on ne pouvait rien contre eux de ce seul fait. Il était impossible de les poursuivre avant de prouver qu’ils préparaient un acte terroriste sur le territoire français. Le simple fait d’aller s’entraîner au jihad n’était qu’un élément à charge et non l’élément constitutif de l’infraction.

Le projet de cette nouvelle loi antiterroriste suppose une coopération avec des services de renseignements étrangers. Pensez-vous qu'elle sera applicable ?

Pour que cette loi soit applicable, il faut que la justice s’appuie sur des services de sécurité et de renseignements qui, à travers leurs sources humaines, leurs sources techniques, leur coopération internationale, vont disposer de l’information leur disant que des ressortissants français, mais aussi des étrangers résidents en France, sont en train de s’entraîner à devenir des terroristes.

Dès lors qu’un individu a été identifié avant de venir sur le territoire, le travail sera facilité.

L’autre volet de la loi concerne la surveillance de l’Internet. Les terroristes se savent-ils déjà pas observés sur la Toile ?

Evidemment qu'ils le savent. Mais Internet est devenu le nouveau lieu de recrutement. Des tas de gens y vont pour s’informer et peuvent ensuite s’auto-radicaliser. Mais le terroriste jihadiste coupé de tout n’existe pas. Il a besoin d’avoir une sorte de fatwa, une autorisation religieuse, pour légitimer son action.

La surveillance des sites va permettre l’identification de ces individus en croisant ces listings, qui peuvent être parfois considérables, avec ceux des services alliés. Le maillage est alors beaucoup plus serré et permet de repérer d’éventuels déplacements, via cette surveillance électronique. Cette connaissance d'Internet va mettre à jour des gens qui sont sur la voie de la radicalisation.