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L’Etat peut-il encore aider les banlieues ?

Les 27 mesures du gouvernement pour les banlieues suffiront-elles ?

Les 27 mesures du gouvernement pour les banlieues suffiront-elles ? - -

Le gouvernement a adopté mardi 27 mesures en faveur des banlieues françaises. Préparées depuis des mois par le ministre de la Ville François Lamy, elles ont été adoptées sans moyens supplémentaires. Que penser de ces décisions ?

L’Etat va revenir en banlieue : c’est en substance ce qu’a voulu annoncer mardi matin le gouvernement, par la voix de Jean-Marc Ayrault. Après un comité interministériel qui a rassemblé 20 ministres à Matignon, le gouvernement a donc annoncé l'adoption de 27 mesures en faveur des banlieues, préparées depuis des mois en concertation avec les acteurs du secteur.

Des mesures qui seront d’ailleurs appliquées à budget constant, c'est-à-dire sans moyens supplémentaires. Les budgets existants seront donc "mieux orientés" vers les quartiers en difficulté, selon les termes du gouvernement.

Annonces réchauffées ou réelles nouveautés ? Peu enthousiastes, les élus locaux contactés par BFMTV.com préfèrent renvoyer au 6 mars, date à laquelle Jean-Marc Ayrault avancera des mesures jugées plus concrètes, notamment sur le Grand Paris. Les mesures anoncées mardi permettront-elles tout de même de répondre aux problèmes des quartiers ? BFMTV.com a soumis trois mesures phares à l'avis de Christine Lelevrier, professeur d'urbanisme à l'Institut d'urbanisme de Paris.

> La réforme de "la géographie prioritaire"

Qu'est-ce que c'est ? Il s'agit de concentrer les crédits de la politique de la Ville (505 millions d'euros en 2013) sur un millier de quartiers, au lieu de 2.500 actuellement. Pour sélectionner ces zones, les experts gouvernementaux ont choisi un critère simple : le nombre de foyers situés en dessous du revenu médian des foyers français. La liste des quartiers, qui pourrait susciter des grincements de dents chez les élus locaux, sera connue en juin.

Le décryptage de l'urbaniste : "Pour moi, cela n’a rien de nouveau. D'ailleurs, on a fait la même chose en 1996. La politique de la ville oscille entre "saupoudrer" des crédits sur beaucoup de quartiers, ou alors resserrer l’action pour que l'aide ait un effet plus massif. Si c’est le cas cette fois, c’est sans doute lié au contexte économique. On réduit les budgets de toutes parts, on n'alloue pas de nouveaux fonds. Même si à mon avis, les 2.500 quartiers en question ne recevaient pas tous de l’argent de façon égale…

Cette politique de la Ville change tous les cinq ans. C’est malheureux qu’on ne s’interroge pas plutôt sur comment continuer une politique plus durable."

> Les emplois francs

Qu'est-ce que c'est ? Le gouvernement souhaite expérimenter 2.000 "emplois francs" en 2013 sur dix sites (dont Clichy-Montfermeil, Amiens, Grenoble et Marseille). Une subvention de 5.000 euros sera versée aux entreprises embauchant en CDI un jeune issu de ces quartiers. C'est la seule mesure parmi les 27 pour laquelle seront alloués des fonds spécifiques.

Le décryptage de l'urbaniste : "Tout le monde est d’accord pour dire que l’économie est centrale pour les banlieues. Donc pourquoi pas ! Mais là encore, il n’y a rien de nouveau. On a eu les emplois-ville, les emplois-jeunes, maintenant on a les emplois francs... Il faut rappeler qu’avec les zones franches, [sensées encourager les entreprises à s’installer dans les quartiers grâce à l’exonération fiscale et sociale], on a remarqué que les entreprises embauchaient plus de gens des quartiers que ce qui avait été prévu : environ 30%, contre 20% attendus."

Education, sécurité : les ministères travaillent pour la banlieue

Qu'est-ce que c'est ? Donner la priorité aux villes de banlieues pour la scolarisation des moins de trois ans et le déploiement de nouveaux enseignants, créer un référent police-population dans chaque zone prioritaire de sécurité... Le gouvernement veut faire en sorte de mobiliser tous les ministères en faveur de la banlieue.

Le décryptage de l'urbaniste : "Que les ministères participent à la politique de la ville et affichent des priorités territoriales, c’est bien. On l'a connu par exemple avec le ministère de l'Education nationale et les ZEP [Zones d'éducation prioritaires]. Mais jusqu’ici, ça n’a jamais été fait jusqu’au bout. Faire du droit commun c’est bien, mais cela ne suffit pas.

Ce qu’il faut, c’est aussi faire en sorte d’ajuster les systèmes d’aides de ces politiques, et d’en élargir les critères d’éligibilité. Pour qu’à la fin, les crédits ne restent pas bloqués dans les régions par exemple, mais arrivent réellement dans les quartiers.

En conclusion, je ne vois aucune innovation dans ces mesures, mais je sais aussi que l'on n'a rien à proposer d'autre. On poursuit donc des projets déjà entamés avec un nombre de quartiers plus restreint, et des critères d'attribution différents. C'est dur de faire autrement, mais clairement : cela ne suffit pas."