Delphine Batho limogée: "il fallait faire un exemple"

En limogeant Delphine Batho, François Hollande, ici en novembre 2012, a tenu à "faire un exemple", explique Arnaud Mercier. - -
Au lendemain du limogeage de Delphine Batho, les écologistes ont décidé de rester au gouvernement malgré une ambiance des plus tendues entre PS et EELV. Certains, comme Jean-Vincent Placé ou Jean-Luc Mélenchon, voient du machisme dans cette décision, quand d’autres évoquent une démarche cohérente. Quel signal envoie François Hollande en limogeant cette jeune ministre? BFMTV.com a posé la question à Arnaud Mercier, spécialiste en communication politique et professeur à l'université de Metz.
Comment interpréter cette décision?
J’y vois la volonté d’essayer de réparer les effets désastreux de cette première année de quinquennat, qui a souvent été résumée par le mot "couac". Cela me fait penser à la fin de la première année de Nicolas Sarkozy, qui était très marquée par le "bling-bling": il avait dû se reprendre.
Là, François Hollande décide d’arrêter d’être le président "mou", qualifié d’amateur même par son propre camp. Il avait annoncé lors de sa deuxième conférence de presse son soutien à Jean-Marc Ayrault, et avait rappelé la loyauté qu'il attendait de la part de ses ministres. Or Delphine Batho ne l’a pas été: certes, on peut se dire que la décision est un peu abrupte - sa convocation à Matignon annoncée sur Twitter par exemple - mais il fallait faire un exemple. A partir du moment où il se dit qu’il redresse la barre, le premier qui l’ouvre doit sortir.
Quelles ont été les erreurs de François Hollande?
François Hollande a été piégé par son idée de président normal: à force de ne pas vouloir être Nicolas Sarkozy, il a peut-être trop attendu pour prendre de vraies décisions.
Et puis, François Hollande n’a jamais été ministre avant d’être président, et quelque part, cela se voit. Durant cette première année, il a donné l’impression de vouloir gérer l’Etat comme il a géré le PS: en maintenant l’équilibre des courants, et des personnes. Mais il prend conscience à présent que ça n’est plus possible, et qu’il doit trancher dans le vif.
Quel signal envoie-t-il à Europe Ecologie -Les Verts?
On sait que François Hollande n’est pas le plus grand défenseur de la ligne signée par le PS avec EELV. Vis-à-vis des écologistes, sa décision peut s’interpréter de deux façons: soit c’est "le coup de pied de l’âne" lancé à EELV, avec notamment en toile de fond l’épisode électoral de Villeneuve-sur-Lot où le PS n’a pas apprécié qu’EELV présente un candidat.
Ou alors cela n’a rien à voir et Delphine Batho est la première à dérailler, donc elle en paie le prix. Et dans ce cas-là, peu importe qu’elle soit ministre de l’Ecologie ou d’autre chose…
Certains y voient une décision machiste, qu'en pensez-vous?
Ça me paraît un peu fort parce qu’Hollande est quand même le premier à avoir mis en place un gouvernement paritaire. Pour l’instant, on est loin du syndrome des "Juppettes", ces femmes ministres autour d’Alain Juppé censées faire tapisserie en attendant d’être sorties au prochain remaniement.
On est loin aussi du machisme criant dont a été victime Ségolène Royal pendant la campagne de 2007. En tout cas, je ne vois pas de déclaration publique qui attesterait de cet argument vis-à-vis de Delphine Batho. Et selon moi, si Arnaud Montebourg avait fait une telle sortie récemment, il serait sorti lui aussi.
Est-ce la fin des couacs du gouvernement Ayrault?
Il vaut mieux, car le pire maintenant serait de faire marche arrière: cela ferait passer le limogeage de Delphine Batho pour une décision arbitraire, et cela réalimenterait totalement le sentiment de cacophonie qu’on a pu percevoir au sein du gouvernement. Lorsqu’on commence à redresser la barre, même de façon un peu abrupte, on ne peut pas replonger.