Après les gilets jaunes et le grand débat, Macron veut acter sa réconciliation avec les maires

Des maires lors des assises des maires bretons, en avril 2019 - Damien Meyer - POOL - AFP
"On aurait préféré que ça se déroule sur deux semaines différentes..." Une fois n'est pas coutume, le ministère des Collectivités territoriales se trouve pris dans un télescopage politique qui va durer plusieurs jours. Alors que débute ce mardi le 102ème congrès de l'Association des maires de France (AMF), l'Assemblée nationale dissèque le projet de loi dit "engagement et proximité", censé faciliter la vie des élus locaux.
Porté par Sébastien Lecornu, ministre devenu indispensable au sein du dispositif macroniste, le texte sera scruté de près par les maires. Certains d'entre eux, de passage à Paris pour le congrès, devraient se rendre dans les tribunes du palais Bourbon pour assister aux débats. "Ça obligera chacun à un peu de sérieux", se réjouit un poids lourd de La République en marche.
"Il y a une vraie différence par rapport à 2018"
"Chacun", aux yeux de LaREM, c'est avant tout les parlementaires provenant des deux grands partis d'élus, Les Républicains et le Parti socialiste. Il se trouve que le président de l'AMF, François Baroin, et son premier vice-président, André Laignel, en sont issus. Ils entament leur dernière année de mandat à la tête de l'institution.
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les deux hommes ont eu pour habitude (surtout le second) de ne pas être particulièrement tendres avec le gouvernement au sujet de ses rapports avec les élus locaux.
"La gauche a brandi l'étiquette de 'président des riches', la droite celle de 'président déconnecté des territoires'. Et ça a plutôt fonctionné", constate-t-on auprès de BFMTV.com dans l'entourage de Sébastien Lecornu. "Mais les liens entre Macron et les élus locaux ont changé. Il y a une vraie différence par rapport à 2018", ajoute cette source.
L'an dernier, le chef de l'État s'était contenté de recevoir les maires de France à l'Elysée. La crise des gilets jaunes commençait à percoler. Fort de ses 96 heures de grand débat national, la plupart d'entre elles consacrées à la question des territoires et de leur désenclavement, Emmanuel Macron ne compte pas rééditer cette erreur. Il se rendra au congrès de l'AMF et accueillera des élus arborant écharpe tricolore au Château.
Éviter "l'instrumentalisation politique"
Le président de la République n'est pas sorti de l'auberge pour autant. D'autant que cette édition du congrès de l'AMF a lieu à quatre mois d'élections municipales qui s'annoncent très difficiles pour le pouvoir. "Il y a toujours des moments de tension en période préélectorale. Les oppositions n'attendent qu'une chose, c'est que LaREM se plante pour acter le fait que LaREM et Emmanuel Macron seraient hors sol", s'agace Bruno Questel, rapporteur du projet de loi "engagement et proximité". Et le député marcheur de lancer cette mise en garde:
"Le congrès de l'AMF, c'est un moment de rassemblement, d'unité. Ça ne doit pas être un moment d'instrumentalisation politique et partisane contre le chef de l'État. Je n'ose imaginer qu'il n'en soit ainsi."
Autrement dit, il est urgent que tout le monde garde ses nerfs. Interrogé dimanche par La République du Centre, André Laignel a soufflé le chaud et le froid. Si le maire PS d'Issoudun reconnaît que le "ton" d'Emmanuel Macron vis-à-vis des maires "a changé" en l'espace de deux ans et demi, il tempère un peu plus loin:
"Pour l’État - et c’est vrai depuis un certain temps et ça l’est toujours autant voire plus sous Macron - nous sommes une charge alors que nous, nous considérons que nous sommes un levier de développement de notre pays."
"Les rapports avec Baroin se sont améliorés"
Cela tombe bien, "la loi 'engagement et proximité' vise justement à s'attaquer aux problèmes de quotidienneté des maires et de façon technique", répond un proche de Sébastien Lecornu. L'un des atouts mis en avant, que cela soit côté ministère ou côté LaREM, est l'expertise minutieuse dont Emmanuel Macron a su faire preuve au printemps dernier face aux édiles. De quoi désarmer les opposants les plus modérés.
"Avec François Baroin, les rapports se sont améliorés", affirme d'ailleurs une figure de la majorité. Même son de cloche du côté du ministère des Collectivités territoriales. Le maire de Troyes, qui endosse petit à petit le costume de candidat LR putatif à l'élection présidentielle de 2022, a rendu visite à Sébastien Lecornu - qu'il connaît bien - il y a une dizaine de jours pour plancher sur le texte. Une manière de s'élever au-dessus des querelles partisanes. Avec André Laignel, c'est une autre histoire.
"Tous les acteurs institutionnels locaux savent qu'il est très difficile de travailler avec lui. C'est un trait de personnalité. Il fait partie de ces hommes politiques qui ne savent pas décrocher", constate un marcheur qui le côtoie.
"Il fallait nettoyer les conneries de la loi NOTRe"
Bien que le projet de loi ne contienne pas de disposition spectaculaire, ses thuriféraires louent le fait qu'il promeuve un regain de "flexibilité" retrouvée pour les maires. "C'est un peu comme la loi Macron sous le quinquennat Hollande. Elle s'appuyait avant tout sur des éléments de vie quotidienne", compare un connaisseur du dossier.
L'un des éléments de langage de la macronie consiste à annoncer la suppression des "irritants" mis en place par la loi NOTRe, votée durant le précédant quinquennat. Revalorisation des indemnités, frais de garde des enfants, droit à la formation... Toutes des dispositions visant à régénérer les vocations des maires à le rester.
"Il fallait nettoyer les conneries de la loi NOTRe", nous résumait plus crûment un membre LaREM de la commission des Lois au début de l'automne.
Pour définitivement renouer les liens, "il faudra déployer la com' sur le terrain" après coup, prévient-on au ministère des Collectivités territoriales. Député LaREM de l'Hérault et membre de la commission des Lois, Jean-François Eliaou assure que le congrès ne sera pas l'occasion d'un quelconque "draguage" des maires en vue des prochaines municipales. D'ici là, la loi "engagement et proximité" aura sans doute été adoptée par le Parlement, le gouvernement ayant engagé une procédure accélérée. Il n'est pas interdit de faire de la politique.