BFMTV
Gouvernement
Alerte info

"Activités ludiques" en prison: le Conseil d'État désavoue Gérald Darmanin et annule leur interdiction

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à Paris, le 7 avril 2025.

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à Paris, le 7 avril 2025. - ALAIN JOCARD

Le ministre de la Justice avait ordonné en février dernier l'arrêt en prison de toute activité hors du sport, de l'éducation et de la langue française, après une polémique concernant une maison d'arrêt en Haute-Garonne.

Le Conseil d'État désavoue ce lundi 19 mai le ministre de la Justice Gérald Darmanin sur la pratique des activités ludiques en prison, permettant de fait qu'elles se poursuivent.

Les activités "provocantes" de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes peuvent être légalement interdites, mais pas les activités "ludiques" car contraires au code pénitentiaire, a décidé le Conseil d'État, dans une ordonnance consultée par l'Agence France-presse (AFP).

La plus haute juridiction administrative a relevé que si le garde des Sceaux pouvait fixer les conditions d'exercice des activités proposées par l'administration pénitentiaire, il ne pouvait "interdire, par principe des activités conformes au code pénitentiaire, simplement parce qu'elles auraient un caractère 'ludique'", selon un communiqué de presse.

Gérald Darmanin, avait ordonné via une circulaire le 17 février l'arrêt de toutes les "activités ludiques" en prison qui ne concernent pas l'éducation, la langue française ou le sport, après une polémique sur des soins du visage prodigués à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses. Selon l'Observatoire international des prisons, les activités en question ont été en conséquence "temporairement suspendues".

Indignation de dizaines d'organisations

En février dernier, 31 organisations, dont l'Observatoire international des prisons (OIP), la Ligue des droits de l'Homme ou le Secours catholique, se sont indignées de l'interdiction prononcée par le ministre de la Justice, alors que le code pénitentiaire prévoit pour les détenus condamnés l'organisation d'activités permettant leur réinsertion.

Elles dénonçaient alors un "acte de pure démagogie" de la part de Gérald Darmanin auquel elles demandaient "d'engager une réflexion sérieuse sur le sens de la peine et l'amélioration des conditions de détention".

Plusieurs organisations dont l'Observatoire international des prisons (OIP), la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et le Syndicat de la magistrature (SM), ont ensuite annoncé en mars avoir saisi le Conseil d'État sur ce sujet, estimant que la décision du ministre "contribue à entraver le droit de toute personne détenue à la réinsertion".

Un "camouflet" pour Darmanin, selon l'OIP

Dans une lettre au directeur de l'administration pénitentiaire, Gérald Darmanin avait insisté sur le fait que la mise en oeuvre des activités en détention doit prendre en compte "sens de la peine" et "respect des victimes". "Aucune de ces activités ne peut être ludique ou provocante", ajoute le texte, sans plus de précisions.

Dans son ordonnance, le Conseil d'État a décidé d'annuler la mention "ludique" présente dans l'adresse du garde des Sceaux. S'agissant des activités "provocantes", le Conseil d'État précise que seules pourront être interdites les "activités qui sont, en raison de leur objet, du choix des participants ou de leurs modalités pratiques, de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes".

"Cette décision constitue un camouflet pour Gérald Darmanin qui a voulu interdire, par principe, toute activité ludique en détention, en réaction à la polémique médiatique des prétendus 'soins du visage' à la maison d'arrêt de Toulouse", a réagi l'avocat de l'OIP, Me Patrice Spinosi.

"La décision radicale du ministre avait entraîné la suspension d'une centaine d'activités dans l'ensemble des prisons françaises qui pourront désormais être reprises", s'est-il félicité. Sollicité par l'AFP, le ministère de la Justice n'a pas réagi dans l'immédiat.

J.D. avec AFP