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Pourquoi le Rassemblement national envisage la censure contre Michel Barnier

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Conciliant au départ, le parti d'extrême droite hausse désormais le ton et examine sérieusement l'hypothèse d'une censure du Premier ministre.

Qu'ils paraissent loin les premiers pas du gouvernement de Michel Barnier. Ce temps où le chef du gouvernement recadrait son ministre de l'Économie Antoine Armand pour avoir exclu le Rassemblement national de l'"arc républicain", tout en prenant le soin d'appeler Marine Le Pen.

Laquelle se félicitait en retour du "sens de la courtoisie" du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, après avoir permis sa nomination en excluant de le censurer a priori.

Le ton est tout autre à la mi-novembre, à l'image de l'interview de Jordan Bardella sur BFMTV ce lundi soir. Une motion de censure? "La décision n'est pas prise", mais le gouvernement, "au moment où nous nous parlons [en] prend le chemin", a avancé le président du Rassemblement national.

Le lendemain, Marine Le Pen chante la même chanson depuis l'Assemblée nationale: "Oui, la question se pose en effet." Consciente que le sort du gouvernement dépend de l'extrême droite, elle avertissait quelques jours plus tôt auprès de l'AFP: "Ceux qui sont confiants ne devraient pas l'être tant que ça."

De quoi faire trembler Michel Barnier? En tout cas, si les 126 députés lepénistes votent une disposition déposée par la gauche, le Premier ministre et son gouvernement seront renversés.

Amertume budgétaire

En deux mois, l'enthousiasme qui régnait au RN a été largement refroidi. Notamment par les débats budgétaires guère appréciés par les députés du parti, qui espéraient jouer les premiers rôles. Jean-Philippe Tanguy résumait l'amertume ambiante sur BFMTV jeudi dernier:

"(Michel Barnier) avait promis la justice fiscale, l'essentiel des mesures fiscales touche les classes populaires et moyennes. Il avait promis la réduction des déficits, on a un déficit (...) qui est considérable. Il n'y a pas de rétablissement des comptes publics. Et, le pire là-dedans: il n'a rien négocié avec le Rassemblement national, il n'a rien négocié avec la gauche."

Autant dire que l'extrême droite sera très vigilante à la mouture finale du budget, actuellement discuté au Sénat. "Si Michel Barnier fait un 49.3 avec son texte, sans tenir compte des amendements du Rassemblement national, alors là, ce serait une déclaration de guerre", analyse Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV.

Reste à voir si le RN est prêt à prendre cette décision au risque de se voir accusé d'irresponsabilité, alors qu'il cherche à faire la preuve de sa crédibilité à exercer le pouvoir.

Remettre le RN au centre du jeu

Sur ce point, un autre élément pourrait convaincre Marine Le Pen: ses sympathisants ne sont pas réticents à l'idée d'un vote d'une motion de censure. Ils sont même 57% à y être favorables, d'après un sondage de l'Ifop pour Sud Radio datant du 15 novembre. Par ailleurs, 73% sont opposés au projet de budget, tel qu'il est présenté par l'hôte de Matignon.

Matthieu Croissandeau anticipe sur BFMTV: "Dans l'hypothèse d'une dissolution l'été prochain, les électeurs pourraient dire à Marine Le Pen et à Jordan Bardella: 'pourquoi votre parti a-t-il laissé faire'?"

En plus de remettre le RN au centre du jeu, l'éventualité d'une motion de censure aurait le mérite de focaliser l'attention sur un autre sujet que celui des ennuis judiciaires de Marine Le Pen.

Cette dernière étant menacée de ne pas pouvoir se présenter à la prochaine présidentielle, après que le parquet a requis mercredi dernier, entre autres, cinq ans d'inéligibilité contre elle dans le cadre du procès des assistants parlementaires du FN. "Faire tomber le gouvernement serait une façon pour le RN de faire diversion et de rebattre les cartes sur le mode: si je perds, tout le monde perd", explique Matthieu Croissandeau.

Jordan Bardella refuse néanmoins tout lien entre une telle décision et l'actualité judiciaire autour de son parti. "On ne mélange pas tout", a-t-il déclaré sur Europe 1 et Cnews la semaine dernière, assurant que la censure se ferait "pour des raisons politiques".

De son côté, Michel Barnier aura l'occasion d'arrondir les angles la semaine prochaine: le Premier ministre a convié tour à tour les présidents de groupe et va recevoir Marine Le Pen pour la première fois depuis sa nomination.

Baptiste Farge