Fillon-Copé, un duel, deux perdants

Hervé Gattegno - -
Il faut bien dire que le spectacle donné par les deux duellistes est assez dérisoire. Ils ont passé des semaines à se disputer les ralliements des chefaillons, des seconds couteaux et des 3è lieutenants. Maintenant, c’est un concours de gonflette ou chacun brandit ses parrainages comme on montre ses muscles. En réalité, ils n’ont rassemblé à eux deux que 75 000 signatures sur 260 000 adhérents. Soit il y a eu tromperie sur le nombre réel de militants à l’UMP ; soit c’est que François Fillon et Jean-François Copé ont largement surestimé leur pouvoir de mobilisation – c’est peut-être les deux …
Des critiques ont été émises pendant cette pré-campagne sur le manque de démocratie interne de l’UMP. Vous êtes d’accord ?
Les partis ne sont jamais des cathédrales de transparence et de démocratie. On vient d’en avoir l’exemple avec la désignation d’Harlem Désir à la tête du PS – et rappelez-vous qu’on s’insultait pas mal entre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour la présidence du FN... A l’UMP, il y eu plutôt trop de candidats que pas assez – même si beaucoup étaient des faux candidats, qui cherchaient à peser dans les équilibres futurs (NKM, Le Maire) ou à prouver leur capacité de nuisance (Xavier Bertrand). Estrosi et Guaino, eux, ont surtout montré une capacité de nuisance… envers eux-mêmes ! Tout cela ne pouvait passionner que les kremlinologues de la droite. Même Alain Juppé s’est ennuyé – c’est dire…
Est-ce qu’on peut dire que le vrai gagnant de cette bataille, c’est Nicolas Sarkozy ?
A coup sûr, oui. C’est cruel mais c’est ainsi : après trois mois d’agitation de ses deux héritiers putatifs, la seule certitude qui s’est dégagée c’est que Nicolas Sarkozy exerce toujours, sans même se montrer, le leadership sur son camp. Pour l’essentiel, la compétition entre Copé et Fillon s’est résumée à une surenchère dans le culte de la personnalité – ou du moins de l’œuvre politique de Nicolas Sarkozy. Après le 6 mai, ils avaient sorti (pur lui) le sarcophage ; les voilà tous devenus sarkophiles ! Mais pendant ce temps-là, l’UMP a négligé son rôle d’opposant à François Hollande et au gouvernement, sans faire émerger une seule idée neuve. Ils ont préparé l’avenir… en regardant le passé.
Autrement dit : nous assistons à une bataille d’ambitions… en attendant le retour de Nicolas Sarkozy ?
C’est assez bien résumé. L’enjeu du duel Fillon-Copé, c’est peut-être moins un héritage qu’un intérim. L’un et l’autre sont condamnés à espérer que les circonstances empêcheront N. Sarkozy de tenter un come-back. D’ici-là, ils vont devoir montrer qu’il existe entre eux des divergences de fond et pas seulement des différences de style et une rivalité d’ambitions ; mais avec une figure imposée qui restera la défense du bilan des années Sarkozy – et le risque de diviser le parti, déjà très affaibli. On peut parier que ce concours de tactique et d’éloquence millimétrée ne passionnera pas grand monde, sauf Nicolas Sarkozy. Si Copé et Fillon sont les Abel et Caïn de la droite, on sait qui est celui qui ne les quittera pas des yeux…
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