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"Étoiles jaunes" à la marche contre l'islamophobie: EELV regrette "le tintamarre" causé par la photo de Benbassa

La sénatrice EELV Esther Benbassa, le 11 décembre 2018

La sénatrice EELV Esther Benbassa, le 11 décembre 2018 - MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY

La sénatrice écologiste de Paris s'est gardée de tout relativisme à l'égard de la Shoah. Si les dirigeants de son parti s'accordent à dire que l'usage du symbole était malvenu, ils jugent la polémique risible.

Inutile d'essayer de trouver chez les écologistes une voix critique à l'égard d'Esther Benbassa. À l'issue de la marche contre l'islamophobie, plus suivie qu'attendu et relativement dépourvue d'incident, plusieurs dirigeants d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) ont dû venir à la rescousse de la sénatrice de Paris. Celle-ci a posé, dimanche, aux côtés de manifestants - dont une jeune fille - arborant une étoile jaune. Bien que celle-ci ne comportait que cinq branches (et non six comme l'étoile de David), le parallèle avec le statut des juifs durant la Seconde Guerre mondiale est vite apparu comme une évidence. 

Une comparaison "à vomir", a notamment dénoncé Alain Jakubowicz, président d'honneur de la Licra. Après une première vague d'indignation, Esther Benbessa s'est justifiée en expliquant qu'elle n'avait pas vu les "insignes" en question. Et d'évoquer ses origines - née en Turquie, Esther Benbassa est elle-même de confession juive - ainsi que les ouvrages qu'elle a consacrés, en tant qu'universitaire reconnue, au judaïsme et à son histoire. 

"Ça ne peut pas être un signe antisémite"

Le mea culpa était pourtant insuffisant aux yeux des contempteurs d'Esther Benbassa, qui comme d'autres cadres de son parti, a participé au rassemblement de dimanche en son nom et non pas celui d'EELV.

Parmi ceux-là, il y avait Julien Bayou, conseiller régional d'Île-de-France et porte-parole du mouvement écologiste. Lequel regrette que la marche contre l'islamophobie ait été davantage "scrutée" - comprendre, surveillée - que d'autres. Il comprend les réactions que peut provoquer le symbole de l'étoile jaune, mais précise:

"De là à y voir comme certains une 'mise en scène ignoble', franchement... Personne n'imagine que la situation des musulmans de France est comparable à celle des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Personne", martèle-t-il auprès de BFMTV.com.

Julien Bayou maintient toutefois qu'il existe aujourd'hui "une stigmatisation des musulmans" à l'instar des juifs naguère, toutes proportions gardées. La récente attaque de la mosquée de Bayonne en est une preuve éclatante selon lui.

"Et puis ces autocollants ne sont pas signés, je ne sais pas qui les a dessinés. Quant à dire qu'il s'agirait d'un parallèle antisémite, j'en doute: pour les négationnistes qu'il y a dans les rangs des islamo-fascistes, je pense qu'il serait malvenu de s'identifier à la situation des juifs en 1940. Donc ça peut difficilement être du négationnisme."

Alain Jakubowicz a lui plutôt dénoncé le "relativisme" d'une telle comparaison entre deux périodes fort dissemblables. Les enfants musulmans, "fort heureusement", ne sont pas "exposés aux mêmes risques que les enfants juifs pendant la Seconde guerre mondiale", a-t-il poursuivi. "Disons que c'est une marque de solidarité, bien qu'il n'y ait aucun continuum entre les deux (époques), c'est évident. Mais ça ne peut pas être un signe antisémite. C'était peut-être malvenu (de le porter), mais est-ce que ça vaut un tel tintamarre?"

"C'est dur pour les Juifs, de voir ça"

Le secrétaire national du parti, David Cormand, a quant à lui exprimé son soutien total à la sénatrice de Paris via Twitter, admirant son "intelligence inclusive" et son "engagement constant contre toutes les injustices". 

Pour Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d'EELV, la polémique autour d'Esther Benbassa est "risible". "C'est scandaleux. Quand on sait qui elle est, le temps qu'elle a passé à étudier la question juive, à y consacrer des livres, c'est n'importe quoi", nous confie-t-elle, agacée que cet épisode ait à ce point détourné le regard de la marche de dimanche, dont elle se dit par ailleurs très satisfaite. 

"Esther, elle a pris cette photo avec ces manifestants parce qu'elle les a vus souriants, avec des drapeaux français, et elle estimait qu'ils incarnaient bien cette marche telle qu'elle l'avait imaginée."

La porte-parole écolo comprend toutefois que l'image ait pu troubler. "C'est dur pour les juifs, de voir ça. Et concocter un tel symbole pour une telle manif, ça témoigne avant tout d'une inculture. Après, c'était des autocollants distribués, je l'ai vu. Il n'est pas difficile d'imaginer que des manifestants les aient juste pris sans trop regarder", suppose-t-elle. Contacté, l'eurodéputé Yannick Jadot (qui n'était pas présent à la manifestation) n'a pas répondu à nos sollicitations. 

Jules Pecnard